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Les vendeurs d’armes français piégés par des promesses de bakchich (Mondafrique)

par Clement Fayol 12 Septembre 2014, 20:30 France Arabie Saoudite Liban Ventes d'armes

Les vendeurs d’armes français piégés par des promesses de bakchich (Mondafrique)
Les vendeurs d’armes français piégés par des promesses de bakchich
Par Clement Fayol
Mondafrique



Fin 2013, l’Arabie Saoudite s’engage auprès de la France à régler la facture de trois milliards de dollars pour un contrat d’armement de l’armée libanaise. Coup double pour Riyad qui contente la France en donnant du travail aux marchands d'armes tricolores et se dote de nouveaux leviers d’influence au pays du Cèdre. Les nombreux intermédiaires y voient quant à eux l'occasion de toucher de juteuses commissions. Or, presque dix mois plus tard, rien n’a été signé et pas un centime n'a été versé...

Le Liban dans la tourmente s’était trouvé un sauveur avec l’Arabie Saoudite. C’est du moins l’image d’Epinal que le royaume wahhabite voulait renvoyer. Alors que le pays du Cèdre est déstabilisé par le conflit syrien, les jihadistes se replient à Tripoli et dans la plaine de la Bekaa à l'est du pays. L’armée libanaise est débordée et c’est la milice chiite du Hezbollah qui s’engage pour éviter que le pays ne devienne une base arrière des combattants syriens. Or, Riyad, grand tireur de ficelles au Liban depuis la guerre libanaise, ne peut accepter de perdre la main dans ce petit pays ô combien stratégique.

À cette situation s’ajoute la colère du régime saoudien qui, en plus de son malaise face aux négociations entre Téhéran et Washington dans le dossier du nucléaire iranien, n’a pas réussi, en septembre 2013, à convaincre Washington d’opérer des frappes aériennes contre le régime de Bachar Al Assad. Seuls les Français avaient pris fait et cause pour une réaction armée en Syrie. Laurent Fabius et François Hollande méritaient donc une récompense. C'est chose faite à travers un contrat faramineux de trois milliards de dollars passé avec l’industrie de la Défense française. Coup du sort ou pied-de-nez aux Etats-Unis, le président libanais de l’époque, Michel Sleiman, annonce officiellement fin décembre 2013 que les Saoudiens vont payer pour des armes françaises alors qu’au même moment François Hollande est en visite officielle en Arabie.

Odas à la manœuvre

La balance commerciale française continue à être déficitaire et un contrat de 3 milliards de dollars, même si rien n’a été signé, devient naturellement une cause nationale. Ce sera donc la société Odas, fondée par l’Etat français pour favoriser l’export dans le domaine de la Défense, qui sera aux manettes. Cette structure de soutien aux vendeurs d’armes français est chargée d’organiser les contrats entre les différents groupes français. Parmi les lauréats on trouve les plus grands : Thales, Airbus Group (ex EADS), Nexter, Renault Trucks Défense (qui regroupe Renault Trucks, Panhard, Acmat etc).

Les négociations battent leur plein. Une délégation de l’armée libanaise est chargée de négocier avec les Français. « Mondafrique » a pu consulter les listes transmises et validées par les militaires libanais entre février et avril 2014. Il s’agit de matériel neuf, avec des véhicules blindés terrestres, des forces navales et du matériel de surveillance. Les Français s’en donnent à cœur joie, avec un budget pareil les Libanais acceptent quasiment toutes les propositions, poussant l’exigence jusqu’à demander uniquement du matériel neuf et garanti deux ans.

Intermédiaires libanais

Côté libanais aussi l’annonce du président Sleiman en décembre a fait grand bruit. Tous les businessmen, consultants et représentants des groupes français du pays se mettent à harceler les responsables de l’armée et le ministère de la Défense. Tous veulent leur part. Au sein même de l’armée, des groupes de pression et d’influence se créent pour participer aux négociations. Le président libanais en fin de règne réussi à imposer ses proches qui rêvent déjà à des commissions les mettant à l’abri du besoin.

Pour tous ces hommes d’affaires, le sort sur Liban n’est que secondaire. Ces intermédiaires ont négocié l’achat entre autres de chars Leclerc, hélicoptères, bateaux de quarante mètres ou véhicules blindés de Renaut Trucks. « L’armée aura beaucoup de difficultés financières pour faire fonctionner ce matériel voire même le maintenir en état de fonctionnement » nous confie un fin connaisseur du milieu de la défense libanais.

Riyad la stratège

De leur côté, les Saoudiens jubilent, eux qui perdaient la main au Liban sont à nouveau sollicités de toutes part. Le Hezbollah, pourtant bien infiltré dans les rangs de l’armée libanaise, a bien compris le message : l’Arabie Saoudite ne les laissera pas endosser le rôle de rempart contre la propagation du conflit syrien. Par la même occasion, Washington trépigne du rôle que Riyad fait jouer à la France dans une région qui échappe de plus en plus aux occidentaux.

Mais les Libanais et les Français auraient tort de crier victoire. Aucun centime n’a été versé et les contrats n’ont même pas été signés. Plus étonnant encore, l’Arabie Saoudite serait sur le point de verser un milliard de dollars de soutien aux forces de sécurités libanaises (réparti entre le ministère de la Défense et celui de l'Intérieur). Ce dernier accord serait, lui, sur le point d’aboutir et les comptes libanais prêts à être renfloués. Dès lors, pourquoi verser si rapidement cette aide, si des contrats d’armement à hauteur de 3 milliards doivent être signés dans les prochains mois ? La baudruche se dégonfle et l’affreux doute germe dans l’esprit des intermédiaires libanais et des sociétés françaises : et si l’Arabie Saoudite avait simplement fait sa com’ sur le dos de François Hollande et de Michel Sleiman ?

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