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DISCOURS SUR LE COLONIALISME (Bibliothèque Farenheit 51)

par Aimé Césaire 1 Juillet 2017, 05:03 Colonialisme Discours sur le colonialisme Aimé Céaire Occident Crimes contre l'humanité Barbarie Décivilisation Articles de Sam La Touch

DISCOURS SUR LE COLONIALISME
Par Aimé Césaire
Bibliothèque Farenheit 51

DISCOURS SUR LE COLONIALISME (Bibliothèque Farenheit 51)
La civilisation dite « européenne », la civilisation « occidentale » est moralement, spirituellement indéfendable, accuse Aimé Césaire. Il met à bas toutes les tentatives de justification du colonialisme, sans la moindre concession.

Sans pour autant remettre en cause les échanges bénéfiques entre civilisations, ils réfutent que la colonisation puisse être évangélisation, entreprise philanthropique, volonté de reculer les frontières de l’ignorance, de la maladie, de la tyrannie, élargissement de Dieu, extension du Droit, hypocrisies énoncées habituellement, mais bel et bien une nécessité « d’étendre à l'échelle mondiale la concurrence de ses économies antagonistes ». Il tient pour grand responsable le « pédantisme chrétien, pour avoir posé les équations malhonnêtes : christianisme = civilisation ; paganisme = sauvagerie, d’où ne pouvaient que s’ensuivre d’abominables conséquences colonialistes et racistes dont les victimes devaient être les Indiens, les Jaunes, les Nègres ».

Le colonialisme travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral. La société capitaliste, à son stade actuel, est incapable de fonder un droit des gens et une morale individuelle. Le distingué, humaniste et chrétien bourgeois du XXe siècle ne pardonne pas à Hitler, non pas son crime en lui-même, mais d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes. Aimé Césaire cite Renan pour jeter le trouble et montrer qu’il participait au même renoncement philosophique, au même humanisme formel : « Il ne s’agit pas de supprimer les inégalités parmi les hommes, mais de les amplifier et d’en faire une loi ». Nul ne colonise innocemment, impunément. Une civilisation qui justifie la colonisation est déjà une civilisation malade, une civilisation moralement atteinte, qui, irrésistiblement, de conséquence en conséquence, de reniement en reniement, appelle son châtiment, son Hitler.

Entre colonisateur et colonisé, il n’y a de place que pour la corvée, l’intimidation, la pression, la police, l’impôt, le vol, le viol, les cultures obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue, la suffisance, la muflerie, des élites décérébrées, des masses avilies. Ces rapports de dominations et de soumission transforment le colonisateur en pion, en adjudant, en garde-chiourme et l’indigène en instrument de production. Aimé Césaire pose une toute autre équation : colonisation = chosification. Au lieu de civilisation, il préfère parler de prolétarisation et de mystification.

Il fait l’apologie des civilisations para-européennes détruites par l’impérialisme, qui étaient des sociétés communautaires, anté et anti-capitalistes, démocratiques, coopératives et fraternelles.

L’Europe est comptable devant la communauté humaine du plus haut tas de cadavres de l’histoire. L’Europe colonisatrice est déloyale à légitimer à postériori son action par les progrès matériels réalisés. L’exemple japonais prouve que « l’européanisation » de l’Afrique et de l’Asie pouvait se faire sans la botte de l’Europe.

Aimé Césaire incite à un dépassement. Il ne s’agit pas de faire revivre une société morte ni de prolonger la société coloniale actuelle, « la plus carne qui ait jamais pourri sous le soleil », mais de créer une société nouvelle, « riche de toute la puissance productive moderne, chaude de toute la fraternité antique ».

Il règle ses comptes avec nombre d’obscurcisseurs, d’inventeurs de subterfuges, de charlatans mystificateurs, de manieurs de charabias, de Pierre Loti à Jules Romain et Roger Caillois, auxquels il oppose Cheikh Anta Diop qui rendit l’Égypte à l’Afrique. Il démonte les argumentaires viciés, dits scientifiques, « vomi de Hitler » remâché. Il invite à relire « Les Chants de Maldoror » comme une description, les yeux dans les yeux, du capitalisme et de son entreprise coloniale.

En 1950, donc, il écrivait que Rome, dans sa prétendue marche triomphale vers la civilisation unique a détruit Carthage, l’Égypte, la Grèce, le Judée, la Perse, la Dacie, les Gaules, a dévoré elle-même les digues qui la protégeaient contre l’océan humain sous lequel elle devait périr. De même, L’Europe bourgeoise a sapé les civilisations, détruit les patries, détruisant les digues, laissant libre aux « barbares modernes » et à leur violence, leur démesure, leur gaspillage, leur mercantilisme, leur bluff, leur grégarisme, leur bêtise, leur vulgarité, leur désordre. « La grande finance américaine juge l’heure venue de rafler la mise de toutes les colonies du monde. »


Aimé Césaire ne s’embarrasse pas de circonlocutions polies. Dans une langue violente, lucide et franche, il condamne définitivement la colonisation. Son discours vital et beau est à lire impérativement. Il devrait être ici recopié entièrement.





DISCOURS SUR LE COLONIALISME
Aimé Césaire
66 pages – 5,20 euros.
Éditions Présence Africaine – Paris – mai 1973
Première édition juin 1950 – Éditions Réclame
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