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Un projet d’industrie nationale torpillé par le coup d’État. En Bolivie, la filière lithium à l’encan (Monde diplomatique)

par Maëlle Mariette 31 Décembre 2019, 08:30 Bolivie Lithium Coup d'Etat Pillage

En octobre 2019, un coup d’État a renversé le président bolivien Evo Morales. Alors que le gouvernement de facto promet des élections pour le mois de mars, l’un des projets les plus ambitieux de l’ancien dirigeant semble d’ores et déjà enterré : permettre à la Bolivie de ne pas se contenter d’exporter le lithium dont elle est riche, mais d’en assurer elle-même l’industrialisation.

Matjaž Krivic. — Mineurs, « salar » d’Uyuni, Bolivie, 2018

Matjaž Krivic. — Mineurs, « salar » d’Uyuni, Bolivie, 2018

D'un côté, le pays le plus pauvre d’Amérique latine. De l’autre, une technologie de pointe, que ne maîtrise presque aucune nation du Sud. A priori, rien ne permettait d’imaginer que la Bolivie prétendrait un jour devenir l’un des acteurs-clés du marché du lithium, un métal alcalin indispensable à la production de batteries. La découverte du plus grand gisement mondial de cet « or blanc » dans le salar d’Uyuni, l’immense désert de sel de l’Ouest, aurait pu conduire à un phénomène que le pays connaît bien : l’exploitation par d’autres d’une richesse enfouie dans son sol. Mais le président Evo Morales, élu en 2006 et renversé par un coup d’État en octobre 2019, avait imaginé un autre scénario : une exploitation du lithium qui ne profiterait pas aux multinationales du Nord, mais aux Boliviens...
 

La fin du jour approche. Un vent glacial balaie le salar d’Uyuni. Nous sommes devant le complexe industriel de production de lithium et de chlorure de potassium de Llipi, à l’été 2019. Ici se joue l’avenir du pays : pilotée par l’État, l’unité pionnière d’exploitation et d’industrialisation doit élever le pays au rang d’« Arabie saoudite du lithium », comme aime à le répéter le vice-président Álvaro García Linera — désormais exilé en Argentine.

La planète compte peu de salars, sites privilégiés de l’exploitation du lithium, alors que la demande explose. Le moindre smartphone en contient de deux à trois grammes. Pour une voiture électrique, compter une vingtaine de kilogrammes. On estime que 260 millions de voitures dites « propres » circuleront en 2040, contre 4 millions aujourd’hui. La demande mondiale de lithium, d’environ 300 000 tonnes en 2018, devrait atteindre un million de tonnes au cours des dix prochaines années. Déjà, les prix ont quadruplé en trois ans, s’envolant à 20 000 dollars (18 000 euros) la tonne en 2018 (avant un léger recul en 2019). Dès lors, la petite commune de Llipi attire les regards du monde entier. Il y aurait 21 millions de tonnes de lithium sous les 10 000 kilomètres ...

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