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Un médecin proche de laboratoires privés nommé à la tête de l’Agence sur les maladies infectieuses (RT)

par RT 31 Décembre 2020, 16:02 Remdesivir Coronavirus Yazdanpanah Agence sur les maladies infectieuses Big Pharma Allégations Conflit d'intérêts France Articles de Sam La Touch

(c)  Amr Abdallah Dalsh Source: Reuters

(c) Amr Abdallah Dalsh Source: Reuters

Membre du conseil scientifique sur le Covid-19, proche de grands groupes pharmaceutiques dont Gilead, le professeur Yazdan Yazdanpanah a été nommé par le gouvernement à la tête de la nouvelle Agence de recherche sur les maladies infectieuses.

Le professeur Yazdan Yazdanpanah, membre du conseil scientifique depuis le début de la crise de Covid-19 et chef de service des maladies infectieuses de l’hôpital Bichat de Paris, a été nommé à la tête de la nouvelle Agence de recherche sur les maladies infectieuses par arrêté du ministre des Solidarités et de la Santé et de la ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, comme l’indique le Journal officiel du 26 décembre.

L’Agence autonome rattachée l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), créée le 3 décembre, regroupe les activités de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) et du consortium de recherche en infectiologie REACTing (REsearch and ACTion targeting emerging infectious diseases).

L’objectif affiché par le gouvernement est de «renforcer la recherche biomédicale sur les maladies infectieuses émergentes et mieux armer scientifiquement la réponse publique à l’épidémie de Covid-19», ont expliqué les ministres de tutelle (Santé et Recherche) par voie de communiqué. Son champ d’action couvrira les «maladies infectieuses émergentes, le sida, les infections sexuellement transmissibles et les hépatites virales».
 

De nombreux liens avec de grands groupes pharmaceutiques

La nomination de Yazdan Yazdanpanah à la tête de cette nouvelle entité pose question. Et pour cause, le gastro-entérologue a cultivé des liens étroits avec des laboratoires pharmaceutiques. Il a fait partie des différents comités et conseils de plusieurs d’entre eux : Johnson & Johnson, Viiv, Abbvie, MSD, Pfizer, Janssen, BMS, Gilead, etc. Entre 2014 et 2019, il aurait perçu environ 96 000 euros de groupes privés.

En mars 2020, il expliquait à Mediapart avoir cessé ces pratiques : «Depuis 2017, j’ai arrêté mes liens avec les laboratoires […] Est-ce que trois ans et demi ça suffit pour se défaire d’un lien ? Ce sont des discussions que nous avons dans le cadre de la définition d’un règlement intérieur.»

e délai de cessation des liens d’intérêt est l’un des critères pris en compte par la Haute autorité de santé (HAS) afin de déterminer si certains médecins sont légitimes pour se saisir de certains sujets. En 2013, la HAS a publié un «guide de gestion des conflits d’intérêts». La définition apportée est la suivante : «Une situation dans laquelle les liens d’intérêts d’une personne sont susceptibles, par leur nature ou leur intensité, de mettre en cause son impartialité ou son indépendance.» Le «”déclassement” d’un lien d’intérêts majeur en autre lien d’intérêts peut se produire quand le lien d’intérêts a disparu depuis au moins trois ans». Mais, selon Marianne, Yazdan Yazdanpanah aurait accepté «huit repas (dont sept payés par MSD) en 2018».

Chose surprenante, la HAS affirme dans son guide accepter une certaine dose de conflit d’intérêts : «Dans certains cas, les objectifs de protéger la santé publique» imposent d’«accepter le concours d’un expert dans une situation de conflit d’intérêts, car il est le seul à pouvoir fournir une expertise d’une qualité suffisante.»

Dans le cas de Yazdan Yazdanpanah, la question des conflits d’intérêts se pose d’autant plus que celui-ci est membre du Comité analyse et expertise (Care) chargé de l’éclairer le gouvernement sur les questions scientifiques liées au Covid-19.

Or, dès les frémissements de l’épidémie de Covid-19 en janvier 2020, le professeur Yazdanpanah a contribué aux tests du remdesivir sur des patients atteints du Covid-19 à l’hôpital Bichat, un médicament produit par le laboratoire Gilead avec qui Yazdan Yazdanpanah a donc eu des liens d’intérêts. Cette décision de tester le remdesivir a été critiquée par le professeur Didier Raoult lors de la Mission d’information de la conférence des présidents sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de coronavirus-Covid-19 du 24 juin 2020.

«Les experts, sur les questions dont ils sont saisis, ne doivent pas avoir de conflits d’intérêts. Si quelqu’un qui a travaillé pour Gilead […] c’est un problème s’il doit s’exprimer au sujet du remdesivir»

Didier Raoult estime devant la Mission d’information que le choix du traitement était précipité : «Quand j’ai commencé à discuter avec le ministère, on m’a tout de suite dit que Yazdan Yazdanpanah gérerait les essais. Or, dès le début, celui-ci n’a parlé que du remdesivir avant même que sa sensibilité au virus soit testée. Le targocid, un antibiotique injectable, avait été testé sur le SARS et avait donné de bons résultats : des solutions alternatives existaient.» Lorsqu’il apprend que les essais du professeur Yazdanpanah ont été lancés «en dehors de tout conseil scientifique» son souhait de quitter ce dernier est confirmé.

Le professeur Raoult avance alors que  «les experts, sur les questions dont ils sont saisis, ne doivent pas avoir de conflits d’intérêts. Si quelqu’un qui a travaillé pour Gilead parle de microscopie électronique, cela ne me gêne pas, mais c’est un problème s’il doit s’exprimer au sujet du remdesivir».

Parallèlement, il continue à défendre l’hydroxychloroquine, «bien moins toxique que le remdesivir qui provoque des insuffisances rénales. Quand des molécules ont été prescrites des milliards de fois, leur sécurité est établie de manière fine alors que pour celles qui n’ont été testées que sur 1 000 ou 2 000 personnes, on ne peut cerner que les problèmes apparaissant dix ou vingt fois sur cent et non une fois sur 1 000 ou 10 000. Les effets secondaires sont moins bien pris en compte».

Et le remdesivir a bel et bien montré des effets secondaires. Un article de l’International Journal of Infectious Diseases de septembre 2020 informe que «le traitement a dû être interrompu chez quatre des cinq patients» à cause d’une élévation de l’ALT (alanine aminotransférase, une enzyme hépatique) et/ou une insuffisance rénale. «Le remdesivir est un antiviral avec une activité in vitro efficace contre le SARS-Cov-2.» Mais «l’évidence d’une amélioration clinique chez les patients atteints de forme sévère du Covid-19 traités au remdesivir est controversée».

Le 20 novembre, l’OMS met aussi à mal l’utilité du traitement de Gilead chez les patients atteints de Covid-19. Elle publie une «recommandation conditionnelle» contre l’administration de remdesivir «aux patients hospitalisés, quelle que soit la gravité de leurs symptômes, dans la mesure où rien ne prouve à ce jour que le remdesivir améliore pour ces patients les chances de survie et les autres résultats sanitaires». Début octobre, la Commission européenne en commandait 500 000 doses à Gilead permettant aux Etats européens de commander jusqu’à 1 milliard d’euros du traitement.

Maïlys Khider

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