Affaire Sankara : Interpellé par un député, à propos de la livraison des archives, le gouvernement français répond par un mensonge d’État
Thomas Sankara.net, 18.12.23
Le 28 novembre 2023, le député Frédéric Maillot de l’Ile de la Réunion, s’est saisi de la séance de questions réponses pour interpeller le gouvernement en posant la question suivante : «Si l’État français a déclassifié des documents confidentiel défense, pourquoi ceux couverts par le secret défense national n’ont pas été restitués ?»1, (voir à https://www.thomassankara.net/affaire-sankara-depute-frederic-maillot-interpelle-gouvernement-a-lassemblee-nationale).
Chargé de répondre pour le gouvernement, M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du Commerce extérieur, de l’Attractivité et des Français de l’étranger a alors déclaré : «… La France a donc tenu l’engagement pris par le Président Emmanuel Macron à Ouagadougou en novembre 2017, de transmettre tous les documents, tous les documents produits par les administrations françaises pendant le régime de Sankara et après son assassinat, la promesse a donc été tenue, les documents ont été transmis».
Or nous avons pu joindre des avocats des parties civiles, représentants les familles de victimes du 15 octobre 1987 qui nous ont confirmé qu’aucun document SECRET DÉFENSE, n’avait été fourni par la France, mais uniquement des documents CONFIDENTIEL DÉFENSE.
Pour mémoire, nous rappelons une fois de plus l’engagement de Emmanuel Macron pris devant un amphithéâtre d’étudiants le 29 novembre 2017 à Ouagadougou, en présence du Président burkinabè de l’époque, Roch Marc Christian Kaboré : «J’ai pris la décision que tous les documents produits par des administrations françaises pendant le régime de Sankara et après son assassinat… couvertes par le secret national soient déclassifiés et consultés en réponse aux demandes de la justice burkinabè». Évitant de relever la précision donnée par le député, se contentant d’une réponse bateau qui s’avère n’être qu’un mensonge d’État supplémentaire, comme le répètent les autorités françaises chaque fois qu’elles promettent de fournir des documents secret défense, pressés par un juge ou par les familles de victimes pour gagner du temps. En réalité, la France ne déclassifie presque jamais les documents secret défense. Elle ne l’a pas fait dans l’affaire Sankara, ne se contentant de déclassifier que des documents confidentiel défense.
La méthode consiste à faire des promesses de circonstance pour satisfaire une demande du moment y compris en présence du chef d’État directement concerné, puis de ne rien faire pour respecter les engagements. Elle reflète le profond mépris de Emmanuel Macron et des autorités françaises vis-à-vis de leurs homologues africains, des populations africaines, et des familles des victimes des assassinats de Thomas Sankara et de ses 12 compagnons le 15 octobre 1987. Une attitude que la France a payé très cher dans la sous-région comme on peut le constater dans la dernière période.
Nous élevons une vive protestation contre ce nouveau mensonge d’État autour du secret défense, dont les documents n’ont une fois de plus pas été déclassifiés. Seuls l’ont été les documents confidentiel défense dont le niveau de secret est inférieur.
Nous appelons les députés du Parlement français à refuser ce mépris, à exiger du Président Emmanuel Macron le respect de la parole donnée, et à exprimer leur solidarité avec les familles de victimes du 15 octobre 1987, qui se battent pour obtenir la vérité depuis de trop nombreuses années.
Les mensonges et les tergiversations des autorités françaises, autour de la livraison des archives déclassifiées dans l’affaire Sankara ne font qu’accroitre la suspicion sur le rôle qu’aurait pu jouer le gouvernement français dans la participation de la France dans le complot pour l’assassinat de Thomas Sankara.
La France doit honorer sa promesse et déclassifier tous les documents secret défense relatif à l’affaire de l’assassinat de Sankara et de ses compagnons et les fournir à la justice burkinabè !
source : CADTM
- Il convient ici de donner quelques précisions. Il y avait, jusqu’en 2021, trois niveaux de secret, confidentiel défense, secret défense, et très secret défense. Une réforme en juillet 2021 a fusionné les deux premiers en secret défense (voir https://www.sgdsn.gouv.fr/proteger-le-secret-de-la-defense-nationale/reforme-de-la-protection-du-secret). Or le troisième lot de documents fournis par les autorités françaises a été remis à la justice burkinabè en avril 2021, donc classés avant la réforme. C’est-à-dire qu’au moment de la remise, la classification en 3 niveaux de secret était en cours. Le terme secret national désignait alors les trois niveaux de secret.
Lu sur Reseau international.net