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La dictature tchadienne vu par des députés français ultra complaisants (Le Gri-Gri)

par Le Gri-Gri 5 Février 2014, 15:31 Tchad France Dictature Assemblée nationale Députés français Idriss Déby Christophe Guilloteau Jacques Moignard

La dictature tchadienne vu par des députés français ultra complaisants (Le Gri-Gri)
Le Tchad vu par des députés français ultra complaisants 

Le Gri-Gri


Extrait de la séance de la Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 22 janvier 2014 Séance de 9 heures Compte rendu n° 29

(...)

Mme la présidente Patricia Adam. Je saisis l’occasion que nous offre cette réunion pour vous présenter le bilan que je tire du déplacement que j’ai effectué, avec nos collègues Christophe Guilloteau (UMP) et Jacques Moignard (PS), au Tchad, du 15 au 19 décembre derniers.

Ce déplacement à N’Djamena avait trois objectifs : d’abord, poursuivre le travail que nous avons entamé au Mali, dans le cadre de la mission d’information sur l’opération Serval, dont nos collègues Christophe Guilloteau et Philippe Nauche (PS) étaient rapporteurs, en allant porter aux autorités tchadiennes l’expression de notre reconnaissance pour l’engagement de leurs armées à nos côtés ; ensuite, aller au contact de nos soldats déployés dans cette région ; et enfin, commencer, au lendemain du sommet de l’Élysée, un travail d’étude sur le rôle de la France dans la sécurité de l’Afrique, travail que nous poursuivrons en 2014 dans le cadre d’une mission d’information dont nous désignerons les membres dans quelques instants.

Nous nous sommes donc entretenus du bilan des opérations maliennes ainsi que de l’actualité en République centrafricaine et dans l’ensemble de la région avec les plus hautes autorités politiques et militaires du pays, au premier rang desquelles le président Idriss Déby Itno lui-même, qui nous a reçus longuement pour un panorama complet de l’actualité politique de toute la sous-région, en mettant l’accent sur les inquiétudes suscitées chez lui par la situation au Soudan du Sud et en République centrafricaine. Nous avons aussi rencontré le Premier ministre, le ministre délégué à la Défense, le chef d’état-major général des armées, ainsi que bien entendu le président de l’Assemblée, les membres du Bureau et les présidents des commissions concernées par les questions de défense. Je relève d’ailleurs que nos homologues tchadiens sont très demandeurs d’échanges plus réguliers avec nous : en effet, au regard de l’importante présence française au Tchad et des débats qui ont pu avoir lieu ces dernières années sur son évolution, le nombre et la fréquence des déplacements de parlementaires français dans ce pays sont assez faibles.

Nous nous sommes également rendus auprès de nos forces stationnées au Tchad, celles de l’opération Épervier, et nous nous sommes attachés aussi à étudier notre coopération bilatérale dans le domaine de la sécurité et de la défense. Par ailleurs, pour avoir une vue plus globale de la présence française dans le pays, nous avons noué des contacts avec les différents représentants des Français qui y sont établis, avec les acteurs économiques, ainsi qu’avec l’Institut français et le lycée français de N’Djamena.

Nous avons recueilli beaucoup d’enseignements sur la posture de défense française dans cette région, la bande sahélo-saharienne, qui est plus que jamais une zone critique pour notre sécurité nationale.

S’agissant du Mali, les Tchadiens partagent globalement nos vues sur le bilan des opérations militaires et sur le processus de sortie de crise. Toutefois, nos entretiens nous ont permis de déceler chez les responsables politiques et militaires une certaine amertume : ils estiment que la France ne leur a pas apporté de marques de reconnaissance à la hauteur de leur engagement – qui a été décisif, comme M. Jean-Yves Le Drian nous l’a souvent rappelé ici – et de leurs sacrifices financiers comme humains. Notamment, une plus grande place faite aux Tchadiens lors du dernier défilé du 14-juillet, entre autres, aurait évité cette amertume. On ressent un véritable besoin de reconnaissance, auquel nous devrons être vigilants dans les années qui viennent.

Pour autant, le Tchad n’a pas manqué de répondre à l’appel de la France en République centrafricaine, dont la situation a été au cœur de toutes nos discussions, puisque nous sommes arrivés au Tchad une dizaine de jours après l’intervention française. À ce stade, les Français, les Tchadiens et les autres Africains organisaient encore leurs opérations chacun de leur côté, et recherchaient les moyens d’intervenir ensemble. Ces entretiens nous ont permis de prendre des distances avec l’idée, assez caricaturale mais largement véhiculée par les médias et instrumentalisée par certains, que la France interviendrait en RCA pour soutenir les chrétiens contre Michel Djotodia et les ex-Séléka, tandis que le Tchad y interviendrait pour soutenir les musulmans contre les chrétiens et les « anti-balakas ». Au contraire, le président Déby a insisté sur la nécessité de désarmer toutes les milices, sur le grand danger que représente l’instrumentalisation confessionnelle du conflit, et sur l’intérêt qu’il y a à ce que les Français et les Tchadiens, ainsi que les autres Africains, coopèrent de la façon la plus étroite.

Enfin, notre déplacement à N’Djamena nous a permis d’étudier de près l’intérêt de la présence française dans ce pays, îlot de stabilité dans une bande sahélo-saharienne en crise. Nous avons pu le constater par nous-mêmes : la circulation à N’Djamena était libre, et nous n’avions pas besoin de moyens de protection particuliers, y compris lorsque nous sommes allés à la rencontre des populations civiles, que ce soit à l’Institut français ou au lycée français. Le pays connaît en effet depuis 2008 une période de calme, après des décennies de troubles : il n’en mesure que mieux la valeur de la paix, de la stabilité, qui rendent possible le développement économique. Pour autant, les autorités que nous avons rencontrées se sont montrées pleinement conscientes des risques de contagion que présentent les différentes crises survenant dans le voisinage du Tchad – Libye, Soudan du Sud, Nord du Mali, République centrafricaine –, ce qui les conduit à se doter d’une armée professionnelle capable d’intervenir à l’extérieur.

Les difficultés peuvent aussi provenir de l’intérieur du pays : les logiques ethniques demeurent plus fortes que les logiques institutionnelles, et si le président Déby a su trouver un équilibre entre les différentes ethnies, le maintien d’un tel équilibre est indispensable à la stabilité du Tchad. Son évolution politique est donc un point d’intérêt central pour nous.

Plus largement, notre implantation à N’Djamena, si elle a encore le statut d’opération extérieure, fonctionne aujourd’hui comme un véritable prépositionnement et sa place est appelée à être renforcée : en lien avec nos forces au Niger et au Mali, les éléments français au Tchad constituent le pivot de notre dispositif dans la région du Sahel. Grâce à la remarquable disponibilité de notre attaché de défense sur place, nous avons pu prendre pleinement la mesure de tous ces enjeux.

M. Christophe Guilloteau. Ce déplacement à N’Djamena s’inscrivait pleinement dans la poursuite des travaux de la mission d’information sur l’opération Serval au Mali, dont les membres, pour des raisons tant calendaires que logistiques, n’avaient pas pu se rendre au Tchad au printemps dernier.

Pour les intérêts français comme pour l’équilibre de toute cette région d’Afrique, le Tchad constitue à bien des égards une « plaque tournante ». C’est un pays qui dispose d’un important potentiel de richesses, et dont le président, militaire formé en France, a une excellente connaissance des équilibres géopolitiques régionaux.

Avec près de mille hommes, la force Épervier constitue un point d’appui essentiel pour nos interventions dans la région : une partie de ses moyens a été déployée au Mali - c’est, par exemple, depuis le Tchad qu’a été mené l’opération aéroportée sur Tombouctou -, une autre partie l’est actuellement en République centrafricaine. Notre présence militaire au Tchad poursuit ainsi quatre buts principaux : d’abord, contribuer à la stabilité du Tchad lui-même ; ensuite, assurer la protection des ressortissants français ; parallèlement, servir de pivot pour nos interventions dans la région ; enfin, apporter une aide technique au Tchad, en moyens financiers, mais aussi en nature et en renseignements. Nous avons d’ailleurs pu mesurer l’utilité de cette aide technique en visitant l’hôpital d’instruction des armées tchadiennes à N’Djamena, où les personnels médicaux et paramédicaux français font un travail extraordinaire.

Ce déplacement, à la fois court et dense, nous a aussi permis de mesurer combien la classe politique tchadienne a l’impression que les Français ont tendance à négliger, si ce n’est à oublier, le rôle important qu’a eu le Tchad à nos côtés, notamment au Mali. L’épisode du 14-juillet en est le révélateur : les Tchadiens sont attachés à la France, mais souhaitent que leur action soit davantage reconnue par elle, et ce d’autant qu’ils conserveront dans les années à venir un rôle essentiel dans la sécurisation de la bande sahélo-saharienne.

S’agissant de la République centrafricaine, il faut tenir compte de l’histoire très particulière qui la lie au Tchad, et des évolutions qui ont pu intervenir dans les rapprochements des uns avec les autres dans la région.

Je tiens à remercier publiquement le colonel Michel de Mesmay, attaché de défense au Tchad, sans lequel notre déplacement n’aurait pas été d’une aussi grande richesse.

Mme la présidente Patricia Adam. Je tiens à souligner aussi que notre déplacement nous a permis de constater que malgré le travail d’un service de soutien performant, nos matériels terrestres roulants sont trop souvent inadaptés au terrain : ils s’ensablent facilement… Ainsi, les Français sont souvent moins bien dotés que les Tchadiens lorsqu’il s’agit d’opérer dans les régions désertiques du nord !

Il faut également tenir compte de la dimension européenne de la coopération avec les pays d’Afrique dans lesquels nous nous déplacerons. Au Tchad, par exemple, l’Union européenne entretient une délégation qui gère divers programmes de coopération ; toutefois, comme sur d’autres théâtres, on fait le constat d’une coordination très insuffisante entre nos initiatives bilatérales et les actions menées par l’Union européenne, et nombre de nos interlocuteurs s’accordent à constater une certaine démesure entre les moyens dont dispose l’Union européenne et la réalité des besoins des Tchadiens, sur le terrain.

Plus généralement, nous devrions nous intéresser davantage aux aspects économiques de nos partenariats en Afrique. Au Tchad, par exemple, la Suisse et l’Allemagne disposent d’antennes diplomatiques très restreintes, mais axées sur la coopération et les échanges économiques, et l’on voit les Chinois partout – c’est même à eux qu’a été confiée la construction du nouveau bâtiment de l’Assemblée nationale… Dans le même temps, notre ambassade dispose de plusieurs services de coopération – par exemple en matière de sécurité intérieure ou d’action culturelle – mais pas d’un poste d’expansion économique. Autre exemple : des esprits malveillants pourraient penser que c’est « naturellement » Total qui exploite le pétrole tchadien : il n’en est rien, la concession ayant été accordée à un groupe canadien plus expert dans l’exploitation pétrolière en roches très profondes. Ainsi, il nous semble que la France pourrait consentir des efforts supplémentaires pour faire fonds sur sa présence militaire et diplomatique en vue de développer sa présence économique.

M. Charles de la Verpillière. Quel impact précis a le fait qu’Épervier ait un statut d’opération extérieure, et non de prépositionnement ?

Mme la présidente Patricia Adam. La principale conséquence tient à l’imputation budgétaire des dépenses de fonctionnement de la base, qui relèvent de la ligne des OPEX.

M. François André. Lors d’une récente audition devant la commission des Finances sur la consommation des crédits votés pour les opérations extérieures, le ministre de la Défense a d’ailleurs expliqué qu’une des solutions envisagées pour contenir ces dépenses dans les limites fixées par la loi de programmation militaire, plus basses qu’auparavant, consistait à transformer en prépositionnement certaines OPEX, comme Épervier.

M. Philippe Meunier. Ce que vous dîtes de l’état de nos matériels terrestres est inquiétant. L’étude de l’opération EUPOL en Afghanistan m’a permis de constater que souvent, les opérations européennes bénéficiaient de matériels de première qualité, très coûteux et peu employés, alors que les forces françaises voient leurs moyens rationnés. Une telle situation ne peut pas durer.

M. Christophe Guilloteau. Les matériels terrestres que nous avons vus au Tchad sont en effet vieillissants : ce sont les mêmes matériels et les mêmes installations de soutien que ceux que j’avais eu l’occasion d’y voir, il y a plusieurs années déjà, lorsque je m’y étais rendu avec notre collègue Michel Voisin.

Les véhicules de l’avant blindés (VAB), les Sagaie, les P4 et les camions lourds sont non seulement anciens, mais surtout inadaptés aux terrains sableux. C’est pourquoi les militaires en poste sur place plaident en faveur de leur remplacement par des véhicules de type Bastion, comme ceux qu’utilisent aujourd’hui les forces tchadiennes. Il nous faut des matériels plus légers et plus véloces, notamment pour les opérations menées à partir des camps d’Abéché et de Faya-Largeau.

Mme la présidente Patricia Adam. Notre rapport insistera sur ce point. S’agissant, Monsieur Meunier, des moyens parfois démesurés dont dispose l’Union européenne, la question n’est pas nouvelle. Dans chacun de nos déplacements à venir, nous nous attacherons systématiquement à étudier de façon approfondie les moyens mis en œuvre par l’Union : n’oublions pas que la France est l’un des principaux financeurs des opérations européennes, ce qui nous donne parfaitement le droit de vérifier l’emploi de ces moyens.

M. Philippe Meunier. Pour ce que j’ai pu constater en Afghanistan, les responsables des opérations européennes n’étaient même pas en mesure de fournir des indicateurs de suivi des résultats de leur action. Cela n’était pas sans conséquences sur le moral des troupes françaises, nettement moins bien dotées que les forces placées sous la bannière européenne.

Mme la présidente Patricia Adam. Si je mesure bien l’ampleur du problème, je crois qu’il ne faudrait pas, par un excès inverse, perdre de vue le fait que la rusticité est précisément l’un des atouts de nos forces.

Un autre enseignement de notre déplacement mérite d’être cité : le Tchad travaille beaucoup à la sécurisation de ses frontières. La tâche n’est pas facile : ces frontières arbitraires, héritées de la colonisation, sont en effet des zones de passage, qui traversent souvent une seule et même zone ethnique. Il est donc impossible de les fermer complètement, mais les risques d’infiltration – par exemple d’éléments appartenant à Boko Haram – sont tels, que leur contrôle est indispensable. La politique tchadienne en la matière est originale, et pour tout dire intelligente : le Tchad s’attache en effet à sécuriser ces zones dans le cadre de coopérations étroites voire de forces multinationales constituées avec ses voisins.

M. Christophe Guilloteau. Le contrôle des frontières est d’autant plus important pour le Tchad que son voisinage est instable : Cameroun, République centrafricaine, Soudan et Soudan du Sud, Libye… autant de zones à risque, pour la surveillance desquelles la garde nationale nomade du Tchad, équipée en partie de dromadaires, est bien adaptée.

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