Bilderberg invite l’homme qui n’a pas empêché l’attentat de Charlie Hebdo Par Hicham Hamza Panmza
Promotion. Patrick Calvar, patron du renseignement français, participe à la réunion actuellement organisée, à huis clos, par un puissant groupe atlantiste et néolibéral.
Selon le mensuel économique Entreprendre -daté d'octobre 2012, l'homme -qui dirige l'assureur Axa et que "connaît bien" Manuel Valls- avait été présenté à l'actuel Premier ministre par son ami de longue date : Stéphane Fouks, vice-président d'Havas, co-directeur du Crif et ancien membre du "comité sioniste" du Mouvement des jeunes socialistes.
Valls et Castries s'entendent à merveille : le 24 juin 2014, le second avait remis au premier un facétieux cadeau (le fac-similé de l'assurance-vie de Jean Jaurès) lors de sa visite au siège du groupe Axa. Le Premier ministre avait alors tenu cette déclaration inédite pour un responsable socialiste de l'éxécutif : "Nous avons besoin de la finance".
Un aspect biographique est généralement omis par la presse hexagonale quand il s'agit d'introduire une interview économique avec Henri de Castries : l'homme n'est pas seulement le PDG d'Axa, neuvième gestionnaire d'actifs mondial. Depuis le 31 mai 2012, ce fervent chrétien (descendant de Saint Roch et du marquis de Sade) et ex-Young Leader (1994) de la French-American Foundation, est également le président des "Rencontres de Bilderberg" dont la dernière manifestation se tient ces jours-ci, en Autriche.
De quoi s'agit-il?
Pour saisir la teneur du tabou qui entoure le sujet, Panamza vous propose de (re)découvrir cette brève séquence télévisée : en 2013, Natacha Polony avait interrogé Christine Ockrent (ex-salariée de la chaîne américaine CBS, membre du Siècle et autrice d'une biographie sur Hillary Clinton) à ce sujet. Hautaine et sarcastique, la journaliste -qui participa aux réunions annuelles de ce cénacle secret- sembla manifestement embarrassée.
En 2011, la chaîne canadienne Historia réalisa l'un des rares documentaires pédagogiques et sérieux à propos de cette organisation créee en 1954.
Le 1er juin 2012, au second jour d'une conférence organisée par le groupe, le site du quotidien anglais The Guardian évoqua Bilderberg en soulignant le profil singulier de son fondateur : le Polonais Joseph Retinger, secrétaire général du "Mouvement européen" et -surtout- agent secret britannique financé par la CIA.
Au même moment, fin mai/début juin 2012, François Hollande, à peine élu à la présidence de la République, composait son futur gouvernement.
Ironie du sort, son "copain" et condisciple de l'Ena, le richissime Henri de Castries (tous deux nés d'ailleurs à trois jours d'intervalle, en août 1954), venait d'inaugurer sa présidence du Bilderberg. Selon l'hebdomadaire Challenges (en date du 6 octobre 2011), le patron d'Axa avait contribué au financement de la campagne des primaires socialistes de François Hollande.
L'actuel chef de l'État peut ainsi se targuer d'avoir été assisté, dans sa course à la présidence, par deux personnalités influentes sur la scène internationale : Henri de Castries, patron du Bilderberg, et Larry Hochberg, président d'un lobby israélo-américain dénommé Elnet.
Last but not least, Emmanuel Macron, ministre de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique.
Ce proche de Jacques Attali, chantre hexagonal par excellence de la mondialisation, avait lui-même été coopté, comme l'avait révélé Panamza, pour se joindre à la réunion à huis-clos du Bilderberg. Ce fut également le cas de Manuel Valls en 2008 : celui qui était encore député-maire d'Évry aura du mal, trois ans plus tard, à évoquer le sujet de manière transparente et sereine.
Résumons : en juin 2014, devant le patron du Medef (Pierre Gattaz, un homme formé à Washington), le Premier ministre Manuel Valls -déjà proche de l'influente banque franco-américaine Lazard- a évoqué son "intérêt" pour les opinions d'Henri de Castries, président du Bilderberg qui a financé la pré-campagne présidentielle de son ami de jeunesse François Hollande et convié Emmanuel Macron dans son club atlantiste.
En cette année 2015, de nouveaux Français ont été invités : entre autres, Alain Juppé (probable futur postulant pour l'Élysée), Laurence Boone (spéciale conseillère économique et financière de François Hollande), l'universitaire Gilles Kepel et Patrick Calvar, directeur de la DGSI.
La venue de ce dernier, censé participer à un débat -sans couverture médiatique- à propos du terrorisme, pose question : que vient faire un haut-fonctionnaire d'État -chargé de défendre les intérêts de la France et dont le pouvoir va désormais s'accroître avec l'adoption de la Loi Renseignement- dans une réunion tenue à huis clos avec des dirigeants financiers, militaires et politiques étrangers?
Rappelons d'ailleurs que Patrick Calvar est l'homme directement co-responsable, avec son ministre de tutelle Bernard Cazeneuve, des prétendues "défaillances" -évoquées par la presse mais non suivies de la moindre sanction- du renseignement dans la surveillance (interrompue en juillet) des frères Kouachi, auteurs présumés de l'attentat de Charlie Hebdo.
Club Rockefeller
Un détail significatif doit être évoqué pour conclure cet article relatif aux liens accrus du Bilderberg avec la classe dirigeante française : un homme joue un rôle fondamental et subtil -mais opaque- dans l'édification du groupe depuis 1954. Il s'agit de David Rockefeller.
Né en 1915, ce milliardaire américain -toujours vivant- continue d'exercer la fonction privilégiée de "conseiller" unique auprès du Bilderberg.
Responsable principal de la construction -dans les années 60 et avec son frère Nelson- du World Trade Center de New York (les tours jumelles étaient d'ailleurs surnommées David & Nelson), le puissant personnage avait momentanément eu, de son propre aveu, des relations tumultueuses avec la communauté juive et sioniste en raison de son rôle d'émissaire "pro-arabe" de l'ex-président Richard Nixon. En 1970, le revirement eut lieu : il fit amende honorable en publiant une lettre ouverte en faveur d'un soutien total des Etats-Unis envers le régime de Tel Aviv.
Récemment, David Rockefeller a été sollicité par un documentariste à propos de sa réaction lors de l'opération israélo-américaine sous faux drapeau du 11-Septembre.
"J'étais là", dit-il en souriant brièvement avant de laisser échapper un long silence, le regard perdu au loin.
HICHAM HAMZA