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Conflits d’intérêts de Transparency France et Sherpa dans les Biens Mal Acquis ? (Congo Liberty)

par Serge BERREBI 14 Avril 2017, 01:20 Congo-Brazzaville Sassou Nguesso Biens mal acquis Sherpa Transparency Polémique France Françafrique

En France, l’affaire des Biens Mal Acquis (BMA) est peut-être la plus célèbre affaire judiciaire en cours d’instruction et aussi, peut-être, la plus ancienne. Trois enquêteurs de la sous-direction de la lutte contre le crime organisé et la délinquance financière  (SDLCODF) à la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) s’y occupent toujours à plein temps dans le cadre de l’instruction menée par le Cabinet de Roger Le Loire, Vice-Président chargé de l’Instruction et de René Grouman, Vice-Président Chargé de l’instruction, co-désigné.

C’est le 2 décembre 2008, que Transparency International France, l’Association Sherpa et un citoyen gabonais Grégory Ngbwa Mintsa (décédé le 10 avril 2014) avaient déposé une plainte assortie d’une « constitution de partie civile » visant Omar Bongo, Denis Sassou Nguesso et Teodoro Obiang ainsi que leurs entourages pour « recel de détournement de fonds publics ». Longtemps, les articles, qui lui avaient été consacrés, avaient mis en avant Omar Bongo, président du Gabon, puis, après sa mort en juin 2009, ce fut au tour de Teodoro Obiang Nguema, président de la Guinée Equatoriale, et de son fils Téodorino.

Le silence de Transparency International France et de Sherpa

Il a fallu patienter jusqu’à ce dernier 15 mars, pour que l’intérêt de la presse hexagonale s’éveille enfin sur le cas de Denis Sassou Nguesso, le président du Congo-Brazzaville, et les membres de son clan, du fait de la mise en examen de Wilfrid Nguesso, dit « Willy » ;  le premier de cette famille à être serré dans les filets de la justice française. Le plus étonnant est que Transparency International France (tout comme Sherpa) ait observé un incroyable silence radio à ce sujet, tant sur son site internet que sur son compte Twitter, et surtout, depuis cette mi-mars 2017.  Constat d’huissier à l’appui, aucune communication directe de Transparency International France n’apparait, concernant Willy Nguesso et sa mise en examen, contre 33 pour le fils Obiang pour des faits similaires en remontant jusqu’au 07 septembre 2016 dans le fil Twitter de l’ONG ; impossible d’aller au-delà ! Triomphe incroyablement modeste de la part de cette dernière ; le succès très timide, presque honteux, d’une combattante contre la corruption à l’égard d’un individu qui pourrait en être le symbole bien vivant… !

Lanceur d’alertes patenté

En réalité, les détournements massifs opérés par Denis Sassou Nguesso n’avaient pas attendu la plainte de Transparency International France et de Sherpa pour être révélés au grand public. Dès le début des années 2000, détenteur d’une décision définitive à l’encontre de la République du Congo -qu’il m’a été impossible de faire exécuter -, bien avant que cette activité n’attire les médias et les législateurs, j’étais devenu « lanceur d’alertes » quasiment patenté sur les dossiers congolais. L’on me doit à cet égard une importante contribution dans le volet congolais du rapport « Time for Transparency » de Global Witness en collaboration avec  Sarah Wykes, en mars 2004. Il en a été de même, plus tard, avec Xavier Harel dans son célèbre « Afrique, pillage à huis clos » pour la partie essentielle qu’il a consacrée au Congo. Plus tard encore, les Fonds vautours anglo-saxons s’étaient appuyés sur ces travaux de dénonciations répétées, pour lancer leurs très contraignantes actions dont le point d’orgue fut le dépôt de la plainte Action RICO (Racketeer Influenced and Corrupt Organizations Act) notamment contre la Banque BNP PARIBAS, dont j’avais été le premier à révéler les préfinancements pétroliers en faveur de la SNPC (Société Nationale des Pétroles du Congo) ; entre autres nantissements honteusement protecteurs. D’ailleurs, en Conseil des ministres à Brazzaville, le dictateur congolais ne manquait pas de pointer une responsabilité d’un rageur : « C’est Berrebi qui est derrière tout cela… ! »

Bruno Ossebi achevé sur son lit d’hôpital

Et il y eut, aussitôt après le dépôt de la plainte des « Biens mal acquis » de Transparency International, avec le fol espoir né de cette initiative dans l’opposition congolaise, la volonté de Bruno Ossebi de la rallier. A-t-il payé de sa vie cette demande, que j’avais facilitée, auprès de Maud Perdriel-Vaissière qui dirigeait Sherpa avant qu’elle ne rejoigne Transparency International France ? Ou bien, plus sûrement le fait qu’il ait dénoncé, le 17 janvier 2009, un nouveau préfinancement de 100 millions de dollars, par BNP PARIBAS, dans l’article « Pétrole contre poignée de dollars : on gagerait toujours le pétrole au Congo » publié alors par Mwinda.org ?  Le 21 janvier 2009, sa compagne et ses deux fillettes ont péri brulées vives dans l’incendie provoqué par le jet de cocktails Molotov dans la chambre dans laquelle elles dormaient. Bruno était dans le salon heureux  de suivre, à la télévision, l’investiture de l’Afro-américain Barack Obama, métis comme lui. En ouvrant la porte de la pièce dans laquelle se trouvaient les malheureuses victimes, il a été atrocement brulé sur toute la partie supérieure de son corps. Dès le lendemain, les ruines encore fumantes de la maison ont été rasées pour effacer toute preuve compromettante. Bruno Ossebi, soigné et sauvé grâce à l’aide des médecins militaires de l’ambassade de France, fut achevé sur son lit d’hôpital dans la nuit du 1er au 2 février, veille de son évacuation sanitaire sur Paris.

Cas de conscience éthique tardif de William Bourdon

Toutefois, ces « alertes » et ces drames n’empêchèrent pas l’effacement indu de la dette congolaise sur la base de faux rapports du FMI en janvier 2010. Durant les mois qui avaient précédé l’accord du FMI, nous avions travaillé de concert avec Sarah Wykes pour empêcher cette fraude aux fonds publics (5 milliards de dollars) qui avait obtenu l’accord de Dominique Strauss Kahn. Transparency International France, ainsi que Sherpa, étaient informées en permanence sans que jamais une quelconque initiative propre, de leur part, ne tente d’empêcher le déroulement de ce crime économique parfait : tous les fonctionnaires de l’Institution bénéficiant d’une immunité totale . Dans son n°622, du 3 novembre 2011, la Lettre du Continent a rapporté l’évocation d’un conflit d’intérêts tardif de William Bourdon, Président de Sherpa et avocat de Transparency International au motif « qu’il est l’avocat de Matthieu Pigasse sur plusieurs affaires, notamment de presse. Neveu du communicant de Denis Sassou Nguesso, Jean Paul Pigasse, Matthieu Pigasse est le patron des Inrockuptibles (Ndlr : juillet 2009), actionnaire du Monde, mais aussi le directeur général délégué de la banque Lazard en France, indirectement visée dans la plainte de Berrebi… Bourdon n’évite-t-il pas ainsi un conflit d’intérêts après un cas de conscience éthique tardif ? » Le même Berrebi client de Bourdon, honorant ses factures, avait été également un donateur de Sherpa pour une très modeste contribution de 5000 euros dûment enregistrée dans ses comptes en cette même période…

Des ONG que finance Open Society de George Soros

Denis Sassou Nguesso est un homme très puissant sur le Continent africain et même bien au-delà comme nous venons de le voir. Il est reconnu comme tel grâce aux énormes revenus pétroliers de son pays, qu’il a utilisés uniquement pour conforter son pouvoir personnel au détriment d’un minimum de bien-être pour sa population. Ces vingt dernières années 30 milliards de dollars se seraient évaporés sur des comptes en Chine, des tours à Dubaï, des palais au Maroc, des châteaux en Espagne, un Boeing 787 Dreamliner VIP flambant neuf stocké dans le désert du Nevada, des participations dans des compagnies et des permis pétroliers, des comptes divers et variés dans des paradis fiscaux et aussi dans l’entretien d’un très vaste système de corruption planétaire ; tout cela aux antipodes de la bicoque du Vésinet qui a été à l’origine de l’affaire BMA. Il a ainsi obtenu le respect et la considération de George Soros qui l’ignore royalement au travers de sa fondation Open Society qui contrôle, par ses donations, les plus puissantes ONG très dérangeantes quand elles le veulent bien. Global Witness, Transparency International, Human Right Watch, Amnesty etc. sont du nombre et curieusement depuis 2009, elles ont été très discrètes concernant le Congo de Sassou Nguesso. De plus, Georges Soros, secondé par Tony Blair, a eu des ambitions minières très marquées en Guinée Conakry, très riche en minerais de fer et en bauxite, d’un Alpha Condé élu Président en 2010. Ce dernier doit tout ou presque à un Denis Sassou Nguesso qui l’accueillait très généreusement à Brazzaville depuis le début des années 80, alors qu’il était accompagné de l’homme d’affaires libano-guinéen, Kamal Moukarim. Comment dans pareilles conditions et intérêts miniers très marqués, pour George Soros, soutenir financièrement un réseau de dénonciation de crimes divers et variés liés au Congo Brazzaville ?

Les communiqués de Sherpa

Cette étonnante discrétion de Transparency International France, à l’égard du régime de Brazzaville et de ses Biens mal acquis, se retrouve également dans les communiqués de presse de Sherpa. Aucune attaque frontale contre le pouvoir de Denis Sassou Nguesso n’y est décelable sauf dans le tout premier communiqué mis en ligne sur son site internet le 2 février 2010, en mémoire du décès de Bruno Ossebi. Sa conclusion laissera un goût amer au lecteur qui aura déjà pris connaissance du cas de conscience éthique tardif de l’avocat de Matthieu Pigasse : « Sherpa, Survie et le CCFD-Terre Solidaire s’inquiètent des modalités selon lesquelles le FMI et la Banque mondiale ont décidé, le 28 janvier 2010, de procéder à l’annulation de la dette congolaise, à hauteur de 1,9 milliard de dollars (ndlr : en réalité 5 milliards de dollars). Cette décision, véritable chèque en blanc à un régime toujours aussi opaque et autoritaire, sonne comme une insulte à la mémoire de Bruno Ossebi un an après sa mort ».

Une véritable partie civile dans les BMA

L’opposition congolaise, ses lanceurs d’alertes, ses sites d’information sur Internet et ses comptes Twitter ont alimenté constamment les enquêteurs de la SDLCODF à Paris, mais également les polices et des journalistes aux USA, au Canada (bientôt une enquête très approfondie y sera publiée), au Brésil, en Suisse, au Portugal, en Italie, à San Marino, à Singapour et en Australie. D’incroyables investigations ont été déclenchées par les procureurs de Berne et de Lisbonne au travers de commissions rogatoires internationales qui ont procédé à des arrestations jusqu’en Argentine et à d’énormes saisies parmi les proches du régime de Denis Sassou Nguesso. Aucune de ces actions n’a jamais fait l’objet de communiqué de la part de « l’actuelle partie civile ». L’enquête portugaise a accepté qu’une personnalité congolaise de l’opposition devienne « assistente » statut plus important que « Partie civile ». Les associations congolaises s’attèlent actuellement à un regroupement pour le rejoindre et intervenir conjointement au Portugal et dans tous les autres pays cités.

Les enquêteurs et les magistrats instructeurs savent parfaitement ce qu’ils doivent à « l’actuelle partie civile » dans l’avancement du volet congolais de l’affaire BMA Paris. Si l’on s’en tient à la communication de Transparency et de Sherpa : « pas grand-chose ! » Aussi, il serait bon, du fait de cette suspicion de potentiels conflits d’intérêts, que l’affaire des BMA soit dissociée par chef d’Etat. Pour le moins, que le dossier Nguesso soit traité à part. Transparency International France et Sherpa, qu’il ne faudrait pas accuser d’user de deux poids, deux mesures, pourraient ainsi se consacrer pleinement à leurs attaques d’Obiang. Le volet congolais, totalement libéré du fait du décès de Grégory Ngbwa Mintsa, pourrait alors s’ouvrir aux associations congolaises qui auront fait leurs preuves, notamment dans leur coopération réelle avec les actuels enquêteurs français.

Pour être admis « partie civile », deux des trois conditions à remplir sont :

  • avoir la qualité de victime c’est-à-dire être la victime d’un dommage direct et personnel
  • avoir un intérêt à agir.

Il est clair et évident que Transparency International France et Sherpa n’y répondent plus ou pas. Sans oublier l’insupportable soupçon de conflits d’intérêts… !

Par Serge BERREBI

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