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De la Renaissance Africaine (Chroniques-baka)

par Edgard Tokam 2 Octobre 2017, 01:40 Renaissance africaine Afrique

 

Photo: Vue aérienne de la ville de Johannesburg en Afrique du Sud. L’expansion du tout goudron et bêton est devenue la nouvelle norme de mesure du progrès et de la richesse de cette nouvelle Afrique.

Photo: Vue aérienne de la ville de Johannesburg en Afrique du Sud. L’expansion du tout goudron et bêton est devenue la nouvelle norme de mesure du progrès et de la richesse de cette nouvelle Afrique.

D’après la majorité des modèles fournis par les organismes internationaux concernant l’Afrique depuis l’an 2 000, ce continent est malgré ses nombreuses contradictions présenté comme étant le continent de demain.
L’argument choc, son taux démographique qui fait dire à certains simulateurs que la population de ce continent atteindra 6 milliards d’habitants en 2100 contre environ 1,216 milliard actuellement, devenant la région la plus peuplée et la plus jeune du monde. L’Afrique, et surtout l’Afrique subsaharienne, est donc décrite comme le nouvel eldorado du XXIe siècle des investisseurs de quasiment tous les secteurs privés dont les portes furent ouvertes par les plans de restructuration du FMI. Et bien évidemment cette euphorie pour une Afrique de demain compétitive et bénie d’investisseurs apportant des capitaux étrangers, n’a pas manqué de galvaniser certaines consciences de ce continent. Inspirées par la locomotive à production qu’est le Nigeria, elles entrevoient les signes d’un retour d’une Afrique forte dans le théâtre international. La mise à nu progressive des liens souterrains entretenus par une oligarchie occidentale et les chefs d’états africains rassurent, les consciences changent, les temps ne sont plus ceux d’hier, l’Afrique se libère petit à petit, on se permet même alors de parler de Renaissance Africaine.

Si l’euphorie médiatique peut se comprendre, il est utile de la tempérer et de souligner qu’elle ne repose que sur un certain manque de perspective historique. Cela fait environ 500 ans que l’Afrique est un eldorado pour l’élite occidentale. La première marchandise fut son sang déporté par millions, la seconde marchandise, son sol et ses ressources durant la colonisation, elle modifia même l’agriculture des régions de l’Afrique afin d’assurer les importations nécessaires. Dans le même temps, grâce à ses colonies, elle put assurer économiquement ses exportations en inondant l’Afrique de nouveaux produits de consommation faisant la joie de quelques sociétés privées. Ce schéma se poursuit encore aujourd’hui avec une exploitation du sol plus efficace et maquillée derrière des mécanismes diplomatiques. L’Afrique n’est pas un nouvel eldorado d’opportunités, c’est simplement que les conjectures d’aujourd’hui permettent d’envisager de nouveaux secteurs d’enrichissement, comme par exemple ceux du numérique et du multimédia.

Quant à son taux démographique, aussi élevé soit-il, s’il rend plus difficile la capacité de contrôler ce continent, il ne peut impressionner personne. Contrairement à la République populaire de Chine qui est l’héritière d’une identité bâtie au travers d’un royaume. L’Afrique d’aujourd’hui n’hérite pas d’un royaume, mais de centaines de royaumes remplacés par des pays coloniaux auxquelles les populations semblent très attachées et peu intéressées au sort de leurs voisins. Donc sa puissance démographique ne peut être perçue comme une arme cohérente, elle ne pourra l’être que si ses pays parviennent à déployer une recherche scientifique de pointe leur permettant de se mettre à l’abri sur le plan militaire et économique. Autrement l’Afrique fournira simplement une main d’œuvre plus importante pour l’extraction de ses ressources, elle restera ce qu’elle est à l’heure actuelle, une terre inondée par les produits des multinationales étrangères dont elle ne cesse d’augmenter le chiffre d’affaire. Et même si une bourgeoisie et moyenne classe apparaissent ici et là sur son sol, elles n’en demeurent pas moins prisonnières d’un système de consommation qui trie les personnes en fonction de leurs biens matériels, de la même manière qu’il attribue bon ou mauvais point en fonction de la croissance d’un état. L’Afrique est et demeurera une terre de consommation du modèle capitaliste financier néo-libéral et autres sobriquets, si elle se contente d’utiliser comme échelle de valeurs celle du marché.

Mine d’or à l’Est de la Republic du Kongo.

Mine d’or à l’Est de la République du Congo.

Ainsi lorsqu’on parle de renaissance africaine ou plus modestement de retour de l’Afrique, de quelle Afrique parle-t-on ? L’Afrique du PIB, PNB, de la croissance, du chômage, des retraites, du tout goudron ? D’une Afrique qui si elle souhaite devenir compétitive sur le plan économique comme les autres continents devra faire mieux dans l’exploitation de son sol ? On parle de cette Afrique dans laquelle le port d’un pagne, l’alimentation et la maîtrise d’une langue suffisent à s’identifier en tant qu’africain mais dans le même temps on ne porte qu’un intérêt assez bref à la faune, la flore, à l’héritage familial, pourtant piliers du vivre ensemble des sociétés dites traditionnelles ? Si c’est de cette Afrique dont il est question, alors il ne s’agit pas de renaissance ou d’un quelconque retour. Mais plutôt de la mort de l’Afrique de rites et de mystères au profit d’une nouvelle Afrique taillée sur mesure pour le capitalisme libéral, et donc l’exploitation de l’humain, du sol et de l’intégralité de la faune et flore par l’humain à l’avantage d’une poignée d’humains.

On peut parfaitement estimer que cette nouvelle Afrique est plus intéressante en termes d’aventures humaines que la précédente, et se dire que cette ancienne Afrique, sans avoir une quelconque idée de ses visions, n’a rien de pertinent à nous offrir. Ce qui reviendrait à estimer que ses 300 000 ans d’expériences humaines furent un vide d’existence et donc de rejoindre sa mise à mort programmée depuis que Victor Hugo affirma que l’Afrique n’avait pas d’histoire. C’est effectivement une possibilité, mais penser ainsi aurait des allures de défaite, cela reviendrait à célébrer la victoire non pas de l’Occident comme on pourrait le penser, mais de cette vieille idéologie financière d’Amsterdam que Jacques Attali nomme « Ordre Marchand » dans son livre une brève histoire de l’avenir.

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