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La conférence de Londres sur le redressement de l’Ukraine prépare une opération de pillage impérialiste (WSWS)

par Thomas Scripps 25 Juin 2023, 08:14 Ukraine Pillage Impérialisme OTAN Grande-Bretagne USA UE Articles de Sam La Touch

La conférence de Londres sur le redressement de l’Ukraine prépare une opération de pillage impérialiste
Par Thomas Scripps
WSWS, 23.06.23

Les vautours tournoient à Londres, ils s’acharnent sur une économie ukrainienne dévastée par la guerre entre l’OTAN et la Russie et préparent la super-exploitation de la classe ouvrière.

Baptisée «Conférence sur le redressement de l’Ukraine», la réunion de deux jours qui s’est tenue mercredi et jeudi a été l’occasion pour les gouvernements de l’OTAN, leurs banques et leurs entreprises de poursuivre leurs ambitions prédatrices en Ukraine.

La conférence de Londres sur le redressement de l’Ukraine prépare une opération de pillage impérialiste (WSWS)

Le ministre britannique des Affaires étrangères James Cleverly et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen lors de la Conférence sur le redressement de l’Ukraine à Londres, le 21 juin 2023 [Photo by Foreign, Commonwealth & Development Office Flickr / CC BY-SA 2.0]

L’événement avait un air surréaliste, les responsables évoquant le «potentiel économique important» de l’Ukraine dans un contexte où des millions d’Ukrainiens ont dû fuir leurs maisons, des centaines de milliers ont été tués et les pertes s’élèvent à 700 milliards de dollars – en fermetures d’entreprises, destruction des infrastructures et des terres agricoles – à cause d’une guerre qui pourrait durer des années.

La conférence était consacrée en partie à l’escalade de ce conflit, en fournissant une plate-forme pour les demandes que la Russie paie les réparations. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé que la reconstruction de l’Ukraine serait financée «en fin de compte par les recettes qui proviennent des actifs russes immobilisés». L’Union européenne (UE) envisage d’utiliser à cette fin les 200 milliards d’euros de réserves russes gelées sur le continent, et le Royaume-Uni, les États-Unis et le Canada mènent des discussions similaires.

Quel que soit le fossé entre la rhétorique et la réalité, l’événement a au moins permis de mettre en évidence la véritable relation entre l’Ukraine et les puissances de l’OTAN. Se présentant comme le sauveur de l’Ukraine, de sa démocratie et de sa souveraineté, l’alliance impérialiste ne voit en fait le pays que comme un État vassal. Déjà saignée à blanc militairement et démographiquement pour affaiblir la Russie, l’Ukraine risque de subir le même sort économiquement aux mains des États-Unis et des puissances européennes.

Lors de l’ouverture de la conférence, le premier ministre britannique Rishi Sunak a déclaré: «Avant cette terrible guerre, l’économie de l’Ukraine devenait une énorme opportunité d’investissement». Il a ajouté que «la vérité est que cette opportunité existe toujours aujourd’hui». En fait, la guerre n’a fait que prouver tout ce que l’Ukraine possède et peut offrir». L’Ukraine est «prête pour les investissements» et «le gouvernement du président Zelenskyy est déterminé à mener des réformes pour devenir plus ouvert, plus transparent et prêt pour les investissements», a déclaré Sunak, quasi milliardaire et adepte du thatchérisme. Zelensky s’est adressé à la conférence mercredi par liaison vidéo.

Le gouvernement conservateur de Sunak a publié une déclaration qui explique que «la communauté internationale qui participe à la conférence souhaite libérer le potentiel du secteur privé pour contribuer au redressement de l’Ukraine». Anna Bjerde, de la Banque mondiale, a déclaré que l’Ukraine «dispose d’un potentiel considérable pour transformer une grande partie de ses actifs en opportunités économiques».

Ce sont là des manières polies de déclarer la chasse ouverte à la classe ouvrière, aux infrastructures et aux ressources naturelles de l’Ukraine. Le premier ministre ukrainien Denys Shmyhal, représentant l’oligarchie de Kiev qui s’attend à être bien récompensée pour avoir facilité ce pillage impérialiste, a ouvert grand les bras dans une série d’articles d’opinion parus dans les médias européens.

Il a écrit dans Politico: «Actuellement, l’Ukraine possède des gisements de 21 des 30 éléments rares que l’UE considère comme des matières premières essentielles, les deuxièmes plus grandes réserves de gaz d’Europe, 41,3 millions d’hectares de terres agricoles de qualité et l’un des écosystèmes numériques les mieux développés. Elle dispose également de l’élément le plus important, à savoir des personnes qualifiées, énergiques et travailleuses».

«Tous ces facteurs, auxquels s’ajoute un programme de relance de plusieurs centaines de milliards de dollars, ouvrent une fenêtre d’opportunité pour les investisseurs étrangers».

Le World Socialist Web Site a attiré l’attention sur le rôle joué par les vastes richesses minières de l’Ukraine dans la guerre au début du mois. Le WSWS a expliqué: «Une course mondiale aux sources stratégiques de matières premières a commencé depuis longtemps, au cours de laquelle les États-Unis et les principales puissances de l’UE tentent de diviser entre eux les ressources minérales et autres ressources des États “plus faibles”».

Le vice-président de la Commission européenne, Maroš Šefčovič, a salivé auprès de Politico en déclarant que l’Ukraine «pourrait remplacer complètement les approvisionnements de la Russie en matières premières critiques pour l’Europe».

Et il a poursuivi ainsi: «L’Ukraine possède les plus grandes installations souterraines de stockage de gaz en Europe – 33 milliards de mètres cubes, juste à la frontière de la Slovaquie. Le potentiel est énorme. Il pourrait s’agir d’un atout stratégique très important pour la sécurité énergétique de l’Union européenne».

L’UE concrétise ses ambitions en prévoyant d’investir jusqu’à 72 milliards d’euros en Ukraine entre 2024 et 2027. Les États-Unis ont envoyé 26,4 milliards de dollars de soutien financier. La Grande-Bretagne a profité de la conférence de cette semaine pour annoncer 3 milliards de dollars de garanties de prêts de la Banque mondiale. Le Fonds monétaire international (FMI) fournit 15 milliards de dollars sur quatre ans.

Si certains de ces fonds sont des subventions, la plupart sont des prêts, qui alourdissent la dette de l’Ukraine – sa dette extérieure totale dépasse aujourd’hui 70 milliards de dollars selon le ministère des Finances du pays. L’Ukraine effectuera des paiements de plus de 3 milliards de dollars sur cette dette cette année, malgré un gel convenu de deux ans sur des dettes internationales d’une valeur de 20 milliards de dollars, et 10 milliards de plus sont attendus en 2024.

Ces fonds sont également destinés à ouvrir l’Ukraine aux entreprises américaines et européennes. Le sous-secrétaire d’État américain, Jose Fernandez, a déclaré au début de l’année: «Les idées audacieuses et originales du secteur privé seront plus importantes que jamais en Ukraine».

S’exprimant lors de la conférence sur le redressement, Sunak a annoncé la création de l’Ukraine Business Compact «pour que le secteur privé s’engage à soutenir le redressement et la reconstruction de l’Ukraine». Il a ajouté que «plus de 400 entreprises de 38 pays, avec une capitalisation boursière combinée de 4900 milliards de dollars, ont déjà signé».

Les gestionnaires d’actifs BlackRock, qui détiennent une part importante de la dette ukrainienne, et la banque JPMorgan travaillent avec le gouvernement ukrainien pour mettre en place une «banque de reconstruction» qui «peut attirer des centaines de milliards de dollars d’investissements privés». Le Financial Times écrit: «BlackRock et JPMorgan font don de leurs services, mais ce travail leur permettra d’avoir un premier aperçu des investissements possibles dans le pays».

Pour encourager ces investisseurs, l’Ukraine a poursuivi une vague de privatisations et de réduction du droit du travail et des protections qu’elle avait entamée avant la guerre entre l’OTAN et la Russie, en particulier à la suite du coup d’État de Maïdan en 2014, afin de se préparer à intégrer le marché de l’UE.

S’adressant au Guardian en octobre dernier, le conseiller économique de Volodymyr Zelenskyy, Alexander Rodnyansky, a expliqué, dans les mots du journal, que «l’Ukraine doit réorganiser son droit du travail et redoubler d’efforts pour privatiser des milliers d’entreprises afin de réparer son économie».

Rodnyansky a identifié «la facilité d’embauche, la facilité de licenciement, les indemnités de licenciement, la flexibilité des horaires et des contrats et les contrats à durée déterminée», ainsi que la suppression du salaire minimum: «Nous devons nous assurer qu’il n’est pas trop élevé. Car notre économie est en train de s’effondrer. Nous devons nous assurer qu’il ne fait pas augmenter le chômage».

Des lois ont déjà été adoptées pour réduire les droits des employés et introduire des contrats à zéro heure.

Lors de la conférence sur le redressement de l’Ukraine qui s’est tenue l’année dernière à Lugano, en Suisse, des responsables ont annoncé l’intention de l’Ukraine de privatiser les 15 plus grandes entreprises publiques du pays, autorisant la vente de leurs actions jusqu’à concurrence de 49 pour cent.

Au cours du premier trimestre de cette année, le gouvernement a réalisé des bénéfices records grâce à la vente de petits actifs de l’État. Des lois sont en cours d’élaboration pour faciliter la vente complète des grandes entreprises, notamment les grandes usines chimiques et industrielles et les sociétés d’énergie. Rustem Umerov, directeur du Fonds des biens de l’État, a déclaré à Reuters en mai dernier: «On a de l’opposition, mais ce sera le dernier clou dans le cercueil du communisme».

La situation économique de l'Ukraine, tout autant que sa situation militaire, confirme l'avertissement de Léon Trotsky à la veille de la Seconde Guerre mondiale, dans l'article «Une nouvelle leçon», selon lequel «une guerre impérialiste, quel que soit le coin où elle commence, sera menée non pas pour l’ “indépendance nationale”, mais pour une redivision du monde dans l'intérêt de cliques distinctes du capital financier».

C’est une preuve supplémentaire de ce qu’avait dit le Comité international de la Quatrième Internationale quant aux conséquences pour la région de la dissolution de l’Union soviétique lorsque les apparatchiks staliniens responsables prétendaient que l’impérialisme était un mythe créé par Lénine. «Ce “mythe” s’est avéré vrai» et fait payer un lourd tribut à la classe ouvrière ukrainienne et russe.

(Article paru d’abord en anglais le 23 juin 2023)

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