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Ryan Crocker, ancien ambassadeur des États-Unis: Presque tous les États arabes considèrent depuis longtemps les Palestiniens avec «crainte et dégoût» (WSWS)

par SLT 22 Mars 2024, 09:08 Arabie Saoudite Israël Jordanie Crocker Palestine Collaboration Gaza Colonialisme Articles de Sam La Touch

Ryan Crocker, ancien ambassadeur des États-Unis: Presque tous les États arabes considèrent depuis longtemps les Palestiniens avec «crainte et dégoût»
Par Jean Shaoul
WSWS, 22.03.24


 

Les régimes arabes n’ont pas levé le petit doigt pour s’opposer à la guerre génocidaire d’Israël et au nettoyage ethnique à Gaza.

Au lieu de cela, ils sont de connivence avec la bande de fascistes, de colons et de bigots du Premier ministre Benjamin Netanyahou, qui visent la suprématie juive «du Jourdain à la mer Méditerranée», alors même qu’ils s’inquiètent et appellent à un cessez-le-feu.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, au centre, avec des commandants et des soldats dans le nord de la bande de Gaza, le 25 décembre 2023. Netanyahou a déclaré qu'Israël poursuivrait l'offensive jusqu'à ce qu'une «victoire finale» atteigne tous ses objectifs. [AP Photo/Avi Ohayon/GPO]

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, au centre, avec des commandants et des soldats dans le nord de la bande de Gaza, le 25 décembre 2023. Netanyahou a déclaré qu'Israël poursuivrait l'offensive jusqu'à ce qu'une «victoire finale» atteigne tous ses objectifs. [AP Photo/Avi Ohayon/GPO]

Netanyahou et son bailleur de fonds à Washington s’attendaient exactement à cela, car tout leur bilan en ce qui concerne les Palestiniens n’est qu’une trahison éhontée.

Lorsqu’on lui a demandé dimanche dernier si les Forces de défense israéliennes (FDI) allaient envahir Rafah, Netanyahou a répondu: «Nous irons là-bas. Nous ne les laisserons pas là.» Il a ajouté qu’il bénéficiait du soutien tacite de plusieurs dirigeants arabes, déclarant: «Ils le comprennent, et sont même d’accord avec cela discrètement», lors d’une interview accordée au géant allemand des médias Axel Springer le dimanche 10 mars. «Ils comprennent que le Hamas fait partie de l’axe terroriste iranien», a-t-il ajouté.

Netanyahou n’a cité aucun nom, mais il n’a pas eu besoin de le faire. L’Arabie saoudite, la Jordanie, le Qatar, l’Égypte et les Émirats arabes unis (EAU) ont tous été en communication constante avec Israël et de hauts responsables du gouvernement Biden, sous couvert de médiation en vue d’un accord sur la libération des otages détenus par le Hamas à Gaza.

Le diplomate américain à la retraite Ryan Crocker a toutefois été beaucoup plus explicite en confirmant chaque mot prononcé par Netanyahou. Dans une interview révélatrice accordée au magazine Politico le mois dernier, il a vendu la mèche en expliquant sans équivoque pourquoi, bien qu’ils soutiennent publiquement les droits des Palestiniens, aucun des régimes arabes n’est prêt à accueillir des réfugiés palestiniens, parce qu’ils considèrent depuis longtemps les Palestiniens avec «crainte et dégoût».

Crocker est bien placé pour le savoir. Il a commencé sa carrière diplomatique par un poste au consulat américain dans la ville portuaire intérieure de Khorramshahr, près des champs pétrolifères de l’Iran, en 1972, sous le règne du Shah, et a ensuite servi au Liban, en Syrie, en Afghanistan, en Irak, au Pakistan et au Koweït. Bien qu’il ne soit pas nécessaire de croire tout ce qu’il a dit, Crocker a fait la lumière sur la haine éternelle des régimes arabes à l’égard des Palestiniens et a donné des exemples de leur trahison et de leur duplicité répétées.

Passant en revue l’histoire des Palestiniens, Crocker a expliqué que la Nakba de 1948, lorsque plus de 700.000 Palestiniens se sont réfugiés en Jordanie, à Gaza, au Liban et en Syrie pour échapper au terrorisme sioniste et à la guerre israélo-arabe de 1947-1949, «a ébranlé la légitimité des régimes arabes. Sept États arabes ont déclaré la guerre aux sionistes et ont été mis en déroute de manière décisive. Les dirigeants arabes craignaient les conséquences de leur échec en Palestine, tant de la part d’éléments de leur propre société que des Palestiniens eux-mêmes [...] Mais le fait que les unités [de l’Armée de libération de la Palestine] étaient sous le commandement des armées arabes leur a permis de garder le contrôle des armes palestiniennes jusqu’à la guerre de Six Jours [de 1967]».

Il a décrit l’expérience des Palestiniens en tant que réfugiés dans les pays arabes voisins comme «un pur enfer dans l’ensemble». Ce n’est qu’en Jordanie qu’ils ont obtenu la citoyenneté. Au Liban, ils restent apatrides, ne peuvent pas posséder de biens et sont soumis à des restrictions quant aux emplois qu’ils sont autorisés à occuper, ce qui les expose à la super-exploitation.

La guerre israélo-arabe de 1967, qui a provoqué une nouvelle vague de réfugiés, principalement en Jordanie, a radicalement changé les relations des régimes arabes avec les Palestiniens. Leur défaite décisive a mis fin à toute possibilité de vaincre militairement Israël. Mais elle a également conduit le groupe Fatah de Yasser Arafat, qui s'est engagé à créer un État palestinien par la lutte armée, à prendre le contrôle de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), un groupe chapeautant de multiples factions, chacune avec des idéologies différentes, chacune cherchant à obtenir le soutien de différents États arabes, de Moscou ou de Pékin.

L’OLP, désormais reconnue comme le «seul représentant légitime du peuple palestinien», est devenue un mouvement de masse. La lutte palestinienne est devenue quelque peu indépendante des régimes arabes, en particulier de la Jordanie et de la Syrie. Ces facteurs se sont conjugués pour déplacer la lutte pour le contrôle du territoire palestinien vers les terres arabes – le Liban en 1969 et la Jordanie en 1970 – et pour retourner les régimes arabes contre les Palestiniens. Fondamentalement, la lutte est devenue une lutte internationale, au-delà d’Israël et des territoires palestiniens, menaçant les élites dirigeantes des États voisins, eux-mêmes faibles, déchirés par les divisions et confrontés à une classe ouvrière et à une paysannerie de plus en plus appauvries, ainsi qu’à la diaspora palestinienne.

Comme l’a expliqué Crocker, alors que les dirigeants arabes apportaient régulièrement leur soutien à l’OLP dans ce qu’il a décrit comme «l’essentiel de la politique arabe [...] la pratique réelle des gouvernements arabes à l’égard des Palestiniens était exactement l’inverse». Dans une évaluation particulièrement révélatrice, il a déclaré qu’ils considéraient tous les Palestiniens qui avaient trouvé refuge dans leurs pays «comme une menace, une population étrangère qu’il fallait affaiblir, voire exterminer».
 

La Jordanie

Après 1967, les Palestiniens ont intensifié leurs attaques contre Israël à partir de la ville frontalière jordanienne de Karameh, bénéficiant d’un soutien croissant tant en Cisjordanie occupée qu’en Jordanie, dont plus de la moitié de la population était palestinienne. Avec la montée en puissance de l’OLP, certaines factions palestiniennes ont commencé à réclamer le renversement de la monarchie jordanienne, installée par la Grande-Bretagne au lendemain de la Première Guerre mondiale pour présider un mini-État conçu pour ne pas être viable et dépendre de Londres. Cela a conduit à de violents affrontements en 1970.

Comme l’explique Crocker, le roi Hussein de Jordanie est parvenu à vaincre l’OLP lors de ce que l’on a appelé le «Septembre noir», «non seulement grâce aux prouesses de l’armée jordanienne, mais aussi parce que la Syrie a refusé de fournir une couverture aérienne aux chars syriens soutenant les Palestiniens, comme elle l’avait promis» lorsqu’ils ont été attaqués par la Jordanie, ce qui a contraint la brigade à se replier. Les Palestiniens se sont ainsi retrouvés isolés et des milliers d’entre eux ont été massacrés par les forces d’Hussein lors de pogroms. «Cette force aérienne syrienne, écrit Crocker, était sous le commandement d’un général nommé Hafez al-Assad [futur dirigeant de la Syrie], dont la haine et la peur de tout ce qui était palestinien étaient intenses.»

Sa trahison a créé un précédent qui allait être répété non seulement par la Syrie, mais aussi par tous les régimes arabes.

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