L'armée US a un rôle de premier plan dans le développement du forçage génétique (Gene Drive Files)

Gene Drive Files révèle le rôle de premier plan de l'armée étatsunienne dans le développement du forçage génétique
Article originel : Gene Drive Files Expose Leading Role of US Military in Gene Drive Development.
Gene Drive Files, décembre 2017

Note de SLT : le forçage génétique (Gene Drive) est «une technique de manipulation génétique qui permet de booster la propagation d’une mutation dans une population. En relâchant simplement quelques individus qui possèdent une portion d’ADN élaborée par l’homme (appelée cassette «gene drive») dans une population naturelle, on peut théoriquement obtenir en quelques dizaines de générations une population entièrement contaminée par la cassette gene drive».

Une série de courriels (The Gene Drive Files) de chercheurs étatsuniens réputés dans le domaine du Gene Drive (forçage génétique) révèle que l'armée étatsunienne joue un rôle de premier plan dans le développement du forçage génétique (Gene Drive).

Les courriels obtenus par le biais d'une demande d'accès à l'information de la société étatsunienne Prickly Research révèlent que l'Agence des projets de recherche avancée de la Défense étatsunienne (DARPA) a donné environ 100 millions de dollars pour la recherche pour le  forçage génétique [1], soit 35 millions de dollars de plus que ce qui avait été annoncé précédemment [2], ce qui en fait probablement le plus grand bailleur de fonds de la planète pour la recherche sur le  forçage génétique  [3]. Les courriers électroniques révèlent également que la DARPA finance ou coordonne ses activités avec presque tous les acteurs majeurs travaillant sur le développement du  forçage génétique ainsi qu'avec les principaux détenteurs de brevets sur la technologie d'édition génétique CRISPR [4].

Ces fonds ne se limitent pas aux États-Unis ; la DARPA finance désormais directement les chercheurs sur le  forçage génétique en Australie (y compris les sommes versées à une agence gouvernementale australienne, la CSIRO) [5] et les chercheurs au Royaume-Uni. Les dossiers révèlent également un niveau d'intérêt et d'activité extrêmement élevé de la part d'autres sections de l'armée étatsunienne et de la communauté du renseignement.

L'étude militaire secrète fait appel à Monsanto : Les courriels révèlent que le groupe secret de conseillers militaires JASON a produit cette année (2017) une étude classifiée sur le  forçage génétique. Le rapport a été commandé à la suite d'un rapport JASON de 2016, classifié plus tôt, sur "l'édition du génome" qui n'a pas encore été rendu public bien qu'il "ait reçu une attention considérable de la part de diverses agences du gouvernement étatsunien". [7]

L'étude JASON 2017 sur le  forçage génétique a été conçue pour aborder "les menaces potentielles que cette technologie pourrait faire peser sur un adversaire, les obstacles techniques qui doivent être surmontés pour développer la technologie de  forçage génétique (Gene File) et l'utiliser "dans la nature", et la compréhension de l'expertise et des ressources qui seraient nécessaires pour faire progresser la technologie. L'étude se concentrera sur ce qui pourrait être réalisable dans les 3 à 10 prochaines années, notamment en ce qui concerne les applications agricoles".[7] Les courriels montrent que l'étude JASON a été lancée par une réunion de deux jours d'un groupe restreint de chercheurs invités à participer à l'étude sur le  forçage génétique en juin 2017. Lors de cette réunion, le vice-président de Global Biotechnology pour Monsanto a fait une présentation sur la science des cultures et le  forçage génétique [8]. C'est la première fois que l'intérêt de Monsanto pour le  forçage génétique se manifeste. Le coprésident du rapport JASON a expliqué qu'"il est peu probable que (le rapport) soit rendu public...(mais) qu'il soit largement diffusé au sein de la communauté des services de renseignement étatsunien et de la sécurité nationale au sens large". [7]
 

L'armée et les espions pour le  forçage génétique : Les courriels révèlent l'implication du Corps des ingénieurs de l'armée étatsunienne (ACE) dans l'organisation de réunions à huis clos sur le  forçage génétique  [9, 10] pour financer les travaux de Jason Delbourne, membre du groupe GBIRd sur le  forçage génétique financé par la DARPA à l'université d'État de Caroline du Nord. [11] L'Intelligence Advanced Research Projects Agency (IARPA), une organisation au sein du bureau du directeur du renseignement national, a également exprimé son intérêt pour le financement des travaux sur le  forçage génétique. Un membre du groupe GBIRd de recherche génétique décrit l'IARPA comme "essentiellement la version de la DARPA destinée aux agences de renseignement, ce qui est peut-être plus effrayant". [12] Un autre partenaire du GBIRd de l'USDA qualifie l'intérêt de l'IARPA de "possibilité de financement très importante" et explique que "l'IARPA souhaite vivement que l'USDA s'associe à une proposition mais nous ne pouvons pas être les chefs de file". [13]

Le travail de financement de la DARPA est-il "ciblé" sur les Africains ? Les courriels soulèvent des questions sur la relation étroite entre le projet phare "Target Malaria" de collecte de gènes et la DARPA. Parce que Target Malaria espère déployer ses campagnes de forçage génétique dans les pays africains, elle s'est efforcée de mettre l'accent sur l'indépendance par rapport aux programmes militaires. Cependant, des courriels de Renee Wegryzn, responsable du projet Safe Genes de la DARPA, suggèrent qu'Andrea Crisanti de Target Malaria pourrait également être soit un bénéficiaire principal, soit un sous-traitant du projet Safe Genes de la DARPA. [14] Lors de la réunion de lancement des bénéficiaires de subventions pour la recherche sur les gènes de la DARPA, Andrea Crisanti, de Target Malaria, est cité comme l'un des huit intervenants du projet "Safe Genes Performer". [15]  Dans d'autres courriels, le terme "Safe Genes Performer" est utilisé pour désigner les équipes sous contrat de financement avec le programme Safe Genes de la DARPA [16] ; "Exécutant" semble être le terme spécifique des agences pour "bénéficiaire", défini : "un "exécutant de R&D" est un contractant qui est sous contrat avec la DARPA pour effectuer des recherches et des développements spécifiques liés à un programme spécifique. Cette définition inclut à la fois les contractants principaux et les sous-traitants". [17]

Les sept autres "Safe Genes Performers" ont annoncé publiquement qu'ils recevaient un financement de la DARPA. Aucune annonce de ce type n'a été faite concernant Target Malaria/Imperial College. [19]. La DARPA a également mis en place un projet appelé LEEDR, initié par une présentation de Delphine Tizzy de Target Malaria. LEEDR se concentre sur l'engagement sociétal autour du  forçage génétique, mais est exclusivement destiné à la "communauté Safe Genes" du DARPA[18].

Les fonds de la DARPA pour les campagnes de   forçage génétique sont à l'origine de conflits internes et de détournement des guidelines : Les dossiers sur les campagnes génétiques révèlent également des conflits sur le rôle principal que jouent les fonds militaires étatsuniens. Todd Kuiken, de l'université d'État de Caroline du Nord, cité dans les dossiers comme un membre clé des consortiums GBIRd (développement de souris pour le forçage génétique), a ouvertement dénoncé dans la presse l'impact des investissements de la DARPA dans la "militarisation de l'environnement", en soulignant que la Convention des Nations unies sur la modification de l'environnement (ENMOD) pourrait être violée. [21]

Le GBIRd reçoit cependant 6,4 millions de dollars de fonds du DARPA, ce qui a incité Heath Packard de l'ONG Island Conservation (et également le représentant des relations publiques du GBIRd) à se plaindre que "le manque de communication en interne (NCSU & GBIRd) avant la publication de cette histoire, le calendrier de l'histoire, et les retombées des partenaires/s/donateurs liées à cette histoire sont préoccupants". [22]

Il a demandé à plusieurs reprises à Kuiken de "soutenir l'équipe" [23] et de "faire tout son possible pour éviter de critiquer le GBIRd et notre poursuite du DARPA "[24] , suggérant que Kuiken reconnaisse publiquement "que nous avons encore beaucoup à faire et que de nombreux aspects du projet nécessitent des fonds de différentes provenances" [24]. Les dossiers du forçage génétique comprennent également une vaste "stratégie recommandée et des points de discussion"[25] préparés par Packard qui explique qu'il est "disponible pour consultation et accompagnement si nous nous trouvons attaqués dans les médias par des détracteurs préoccupés par la "provenance" du financement du DARPA". Packard prévoit que les chercheurs recevront des questions de moralité sur la façon dont ils pourraient poursuivre cette technologie "sachant que le ministère étatsunien de la défense a manifestement conclu qu'elle sera utilisée à des fins néfastes (double usage), peut-être contre notre propre peuple ? Il conseille aux chercheurs sur le forçage génétique de répondre par des déclarations générales sur les bonnes intentions de l'équipe, de souligner le rôle passé de la DARPA dans le financement de l'internet et du GPS et de répondre aux questions difficiles par une déclaration détournée : "Ce sont exactement les types de questions auxquelles nous nous efforçons de répondre dans cette enquête."

Références :

1. "Renee a dit que les projets Safe Genes représentent 65 millions de dollars, mais a ensuite mentionné avec tous les autres soutiens présents dans la salle que c'était 100 millions de dollars". Voir le dossier : File: AS notes on DARPA safe genes rollout san diego may 2 2017  ("AS notes sur le déploiement de Safe Genes de la DARPA à San Diego le 2 mai 2017")

2. Il avait déjà été annoncé publiquement que le projet "Safe Genes" de la DARPA avait accordé 65 millions de dollars - voir Nature.com

3. Les autres grands investisseurs connus dans le domaine de la recherche génétique sont la Fondation Bill et Melinda Gates, en collaboration avec les Instituts nationaux fédéraux de la santé (FNIH), qui ont investi 75 millions de dollars dans le Target Malaria Consortium, Tata Trusts, qui a fait un don de 70 millions de dollars à l'Université de Californie à San Diego pour créer un centre de recherche sur la recherche génétique et la "génétique active", l'Open Philanthropy Project, qui a fourni 17,5 millions de dollars au Project Malaria et un peu plus de 1,2 million de dollars au FNIH, et l'Union européenne, qui accorde 1,5 million d'euros aux chercheurs de Target Malaria.

4. Les principaux détenteurs de brevets pour le CRISPR sont le Doudna Lab de l'Université de Berkeley, le Broad Institute et le Church lab/ Wyss Institute de Harvard. Le projet Safe Genes de la DARPA les finance tous.

5. Les courriers électroniques relatifs au budget indiquent clairement que les fonds de la DARPA attribués au GBIRd sont acheminés au CSIRO et l'annonce de Safe Genes mentionne également l'Université d'Adélaïde comme bénéficiaire. Voir les dossiers : 20170414-FW_ North Carolina State University (NCSU) Proposal_ Restoring Ecosystems and Biodiversity through Development of Safe a (N0023940xC1D49).PDF  ("20170414-FW_ Proposition de l'Université d'État de Caroline du Nord (NCSU)_ Restauration des écosystèmes et de la biodiversité par le développement de Safe a (N0023940xC1D49).PDF") et aussi 20170718-Re_EMBARGO COPY – DARPA Safe Genes press release-89.pdf ("20170718-Re_EMBARGO COPY - DARPA Safe Genes press release-89.pdf")

6. L'événement de lancement de l'Agenda pour la sécurité génétique identifie Mike Bonsall de l'Université d'Oxford comme une subvention de démarrage et Andreas Crisanti du projet Maria comme un "acteur de la sécurité génétique". Voir le dossier :  : DARPA safe genes schedule for May2-4 2017 rollout.pdf (" Programme de la DARPA pour des gènes sûrs pour le lancement du projet du 2 au 4 mai 2017.pdf")

7. Pour des informations sur les études JASON, voir le dossier : 20170614-Re_JASON Gene Drive study-197.pdf ("20170614-Re_JASON Étude sur la transmission des gènes-197.pdf")

8. Pour l'ordre du jour des réunions d'étude JASON, voir le dossier :  Gene Drive agenda.docx (" Ordre du jour de Gene Drive.docx")

9. Courriel de Royden Saah - "Army Corps of Engineers - Plusieurs d'entre nous ont rencontré le Army Corps of Engineers juste avant la journée des proposants de la DARPA à Washington. Ils organisent une réunion dans le Massachusetts sur les aspects de sécurité des rejets de biologie synthétique en mai". Voir le dossier : 20170717-Re_[gbird] Update – Engagements – and Other Important Items-101.pdf ("20170717-Re_[gbird] Update - Engagements - and Other Important Items-101.pdf").

10. Voir dossier : 20170403-Gene Drive Breakout group – Army Corps Workshop in May-299  (*20170403-Gene Drive Breakout group - Atelier du corps d'armée en mai-299").

11. "Ce projet, financé par le laboratoire environnemental du Centre de recherche et de développement du génie du Corps des ingénieurs de l'armée". Voir le dossier : Postdoc – Synthesizing Engagement for SynBio.pdf  "Postdoc - Synthesizing Engagement for SynBio.pdf"

12. 20170716-FW_ [gbird] Update – Engagements – and Other Important Items-472.pdf ("20170716-FW_ [gbird] Mise à jour - Engagements - et autres points importants-472.pdf")

13. 20170716-FW_ [gbird] Update – Engagements – and Other Important Items-472.pdf ("20170716-FW_ [gbird] Mise à jour - Engagements - et autres points importants-472.pdf")

14. "En parlant avec Luke Alphey et Andrea Chrisan [sic] cette semaine, il est clair que les PIs ne poussent pas vers le bas les instructions d'invitation aux suppléants. Voir le dossier :  20170406-Fwd_ DARPA Safe Genes Kick Off- Hotel Deadline FRIDAY-314 (N0024093xC1D49).PDF (" 20170406-Fwd_ DARPA Safe Genes Kick Off- Hotel Deadline FRIDAY-314 (N0024093xC1D49).PDF")

15. In the Safe Genes Kickoff Agenda, Andrea Crisanti speaks for 20 mins on Day 1 and is listed as “Safe Genes Performer Presentation: Controlling and Countering Gene Editing in Mosquitos.” See file: DARPA safe genes schedule for May2-4 2017 rollout.pdf

16. “For this reason, the audience for the kickoff meeting will include not only Safe Genes performers, but also DARPA- funded small businesses and DARPA Young Faculty Awardees, along with performers from other relevant DARPA programs…. Because not all performers will be under contract by the time of the meeting, DARPA will not be publicizing the kickoff meeting.” See file 20170419-Fwd_ DARPA Safe Genes Press Release Guidance-215.pdf

17. http://www.jhuapl.edu/vendorforms/forms/DARPA%20OCI%20Certification.pdf

18. 20170629-Invite to LEEDR Webinar on July 19-279.pdf

19. http://targetmalaria.org/who-we-are/

20. See http://targetmalaria.org/who-we-are/ and click on Ethics Advisory Committee: “Claire joined BAE Systems in January 2014 as Group Communications Director and is a member of the BAE Systems plc Executive Committee.”

21. Todd Kuiken, “DARPA’s Synthetic Biology initiatives Could Militarize the Environment. Is this something we are comfortable with?” Slate. May 3rd 2017.

22. See file 20170503-Mtg. Request-628.pdf

23. See file: 20170713-FW_ QUICK TURN DARPA REQUEST – Press Release-115.pdf

24. See file: 20170718-Re_DARPA announcement-19.pdf

25. See file: 20170716-Re_QUICK TURN DARPA REQUEST – Press Release-370.pdf

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