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[Vidéos choquantes] Enquête Open Source sur les allégations d'attaques chimiques à Douma le 7 avril 2018 (Bellingcat)

par Bellingcat 13 Avril 2018, 06:27 Douma Attaque chimique Bellingcat Rapport Allégations Syrie Articles de Sam La Touch

Enquête Open Source sur les allégations d'attaques chimiques à Douma le 7 avril 2018.
Article originel : Open Source Survey of Alleged Chemical Attacks in Douma on 7th April 2018
Bellingcat

Traduction SLT : voici une traduction du rapport de Bellingcat sur les allégations de bombardements chimiques sur Douma le 7 avril 2018. Bellingcat est souvent cité en exemple par les mass médias tels que Le Monde notamment par leur équipe de "décodeurs". A noter qu'il s'agit d'un rapport faisant état de deux faits principaux :
- la localisation confirmée des images vidéos des casques blancs (1,2,3 et 6) de la présumée attaque chimique et des images vidéos du personnel d'inspection russe (vidéo 4 et 5).
- une photographie et vidéo d'une bouteille de gaz jaune syrienne au même endroit qui aurait servi à la diffusion du gaz.
Les sources de Bellingcat sont les Casques blancs (nommés "protection civile syrienne"), le Réseau syrien pour les droits de l'homme, le Centre de documentation des violations.

De ces deux principales observations, Bellingcat en conclue qu'il y a une forte présomption que l'attaque ait bien eu lieu. Toutefois leur rapport rejette l'utilisation de gaz sarin et évoque éventuellement un autre produit potentiel pouvant expliquer le nombre de morts sans en préciser la nature. Enfin, ce rapport ne permet pas d'éliminer l'hypothèse russe d'une mise en scène notamment du fait du caractère semble-t-il inaltéré de la bouteille de gaz jaune filmée par les Casques blancs syriens proches des rebelles djihadistes de la Ghouta orientale (élément non analysé dans le rapport de Bellingcat). A comparer à l'état des autres bouteilles de gaz jaunes photographiées dans d'autres attaques présumées (voir photos effectuées par l'ONG Human Rights Watch). Enfin le rapport ne permet pas de savoir d'où provient la deuxième bouteille jaune de gaz photographiée par les Casques blancs et de sa localisation.

En toute état de cause, ce rapport ne permet en aucun cas d'affirmer qu'il y a eu bel et bien une attaque chimique et ne peut servir de prétexte ni de justification à un bombardement massif par l'Occident de la Syrie. Les observateurs de l'OIAC doivent se rendre sur la zone dès le 14 avril 2018.
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Le 7 avril 2018, des rapports ont commencé à faire état d'attaques chimiques présumées contre la ville de Douma, dans la poche des rebelles de la Ghouta Est, en Syrie. Les rapports indiquent qu'un nombre important de personnes, y compris des enfants, ont été tuées par ces attaques. Ce rapport va évaluer et vérifier l'information de source ouverte concernant ces attaques et tirer des conclusions à partir des preuves disponibles.

Toutes les heures sont en heures locales.

 

 

Résumé

   1. Une grande bouteille de gaz comprimé d'un type utilisé lors des précédentes attaques aériennes au chlore a été filmée sur le toit du bâtiment où un grand nombre de décès ont été documentés.
   2. Le nombre de cadavres qui peuvent être établis grâce à des données de source ouverte est de 34+.
   3. Les observateurs ont signalé que deux hélicoptères Mi-8 Hip se dirigeaient vers le sud-ouest à partir de la base aérienne de Dumayr, en direction de Douma, 30 minutes avant l'attaque chimique à Douma, et deux hélicoptères Hip ont été observés au-dessus de Douma peu de temps avant l'attaque.
   4. Le Gouvernement syrien a déjà été identifié comme utilisant des hélicoptères Mi-8 Hip pour larguer des bouteilles de chlore dans les zones tenues par l'opposition.

 

Rapports sur une attaque chimique

Les rapports du groupe de documentation du Réseau syrien pour les droits de l'homme (Syrian Network for Human Rights) indiquent qu'il y a eu au moins deux attaques distinctes impliquant des agents chimiques le 7 avril : l'une à 16 heures près de la boulangerie Sa'da dans la rue Omar ben al Khattab, qui a blessé 15 personnes, et une deuxième attaque vers 19h30 près de la place al-Shuhada à Nu'man qui a tué 55 personnes et en a blessé 860.

Le Centre de documentation des violations (CDV) a également rapporté que deux attaques chimiques ont eu lieu le 7 avril 2018. Comme pour les rapports du Réseau syrien pour les droits de l'homme, la première attaque a été signalée à 16 heures près de la boulangerie de Sa'da, le CDV faisant état d'allégations de témoins selon lesquelles du chlore a été utilisé. Le CDV a également rapporté la deuxième attaque à 19h30 près de la place al-Shuhada, et a rapporté des déclarations de témoins sur les symptômes :

    Le Dr Jamal Rafie (pseudonyme), a déclaré au CDV que les symptômes qu'il a vus chez les patients "ne ressemblent pas à des symptômes d'attaque au chlore. Le chlore seul ne peut pas induire de tels symptômes, car s'il provoque la suffocation, il n'affecte pas le système nerveux. Il y avait des symptômes indiquant la présence de composés phosphorés organiques dans la catégorie des gaz sarin. Mais l'odeur de chlore était aussi présente dans l'endroit."

    Le Dr Mohammed Kuttoub de la Société Médicale Syro-Américaine (SAMS) a déclaré au CDV que ses collègues de la Ghouta Est ont vu des symptômes sur des personnes qui comprennent : "une contraction des pupilles, un rythme cardiaque lent, une respiration lente, une forte mousse de la bouche et du nez, et une brûlure de la cornée dans certains cas ".

Le CDV a également publié le graphique suivant montrant les lieux des attaques :

[Vidéos choquantes] Enquête Open Source sur les allégations d'attaques chimiques à Douma le 7 avril 2018 (Bellingcat)

La protection civile syrienne, également connue sous le nom des Casques blancs, a rapporté qu'une attaque chimique le 7 avril à 19h45 a tué plus de 43 personnes et en a blessé plus de 500. Elle a rapporté que les victimes mortes présentaient des signes de cyanose (une décoloration bleutée de la peau), une mousse buccale excessive et des brûlures de la cornée. Six victimes vivantes auraient eu des pupilles contractées et des convulsions. Le rapport concluait que les victimes avaient été exposées à des "produits chimiques toxiques ; très probablement un élément organophosporé".

Vidéos et images

Les séquences et les images affichées sur les médias sociaux après l'attaque survenue à 19h30 semblent dépeindre un nombre important de victimes, avec de nombreux cadavres dans un seul bâtiment. Bon nombre de ces corps présentaient des symptômes conformes aux allégations faites dans la déclaration de la protection civile syrienne (les Casques Blancs, NdT) et dans le rapport du CDV.

La Vidéo 1, qui est extrêmement choquante, a été postée à 00h20 le 8 avril sous le titre "#2018-4-7 Al Assad bombarde la Douma avec des produits chimiques. Massacre horrible contre des civils à la Douma". Elle montre un grand nombre de cadavres répartis dans plusieurs pièces de ce qui semble être le rez-de-chaussée (premier étage) d'un immeuble d'habitation.

La vidéo 2, qui est extrêmement choquante, a été postée à 3 h 46 le 8 avril sous le titre "2018-4-7 Témoigner de la mousse qui sort de la bouche des blessés en raison de l'exposition des civils au gaz sarin". Elle documente d'autres cadavres répartis au deuxième étage et dans la cage d'escalier du même bâtiment que la Video 1, ainsi que ce qui semble être un trou dans le toit du troisième étage.

Certains points communs spécifiques peuvent être vus entre la Video 1 et la Video 2, indiquant qu'elles sont filmées dans le même bâtiment.

ATTENTION IMAGES CHOQUANTES !!!

ATTENTION IMAGES CHOQUANTES !!!

Un vélo avec une sacoche blanche - En haut : Vidéo 1, en bas : Vidéo 2

Un vélo avec une sacoche blanche - En haut : Vidéo 1, en bas : Vidéo 2

 

A bicycle with a white pannier – Top: Video 1, bottom: Video 2

A old woman with a single sock pulled down, sprawled near the entrance to the building – Top: Video 1, bottom: Video 2

A doorway and the body of a child wearing a distinctive red and white striped top. Faces obscured – Left: Video 2, right: Video 1

 

Une vieille femme avec une seule chaussette tirée vers le bas, étalée près de l'entrée du bâtiment - En haut : Vidéo 1, en bas : Vidéo 2.

 

Une porte et le corps d'un enfant portant un haut rayé rouge et blanc distinctif. Visages obscurcis - Gauche : Vidéo 2, droite : Vidéo 1

De multiples autres vidéos et images affichées sur les médias sociaux semblent montrer le même bâtiment et les mêmes victimes.

Au total, au moins 34 corps différents apparaissent sur les deux vidéos : 23 au rez-de-chaussée, 10 au deuxième étage et un sur le palier de l'escalier entre le deuxième et le troisième étage.

 


Géolocalisation

La Vidéo 3, extrêmement choquante, a été posté à 17h48 le 8 avril par la nouvelle agence SMART, un réseau de médias d'opposition. Il montre des corps en train d'être retirés du même bâtiment où les vidéos 1 et 2 ont été filmées, et sortis dans la rue pendant la journée.

ATTENTION IMAGES CHOQUANTES !!!

La même porte vue dans les vidéos 1 et 2 peut également être vue dans la vidéo 3. Visages obscurcis. Gauche : Vidéo 3, Droite : Vidéo 1

La même porte vue dans les vidéos 1 et 2 peut également être vue dans la vidéo 3. Visages obscurcis. Gauche : Vidéo 3, Droite : Vidéo 1

Une vitrine à côté de la porte est visible dans les vidéos 1 et 3 - Gauche : Vidéo 1, droite : Vidéo 3

Une vitrine à côté de la porte est visible dans les vidéos 1 et 3 - Gauche : Vidéo 1, droite : Vidéo 3

Une porte avec le même design peut également être vue dans la Vidéo 1 et la Vidéo 3 - Gauche : Vidéo 1, Droite : Vidéo 3.

Une porte avec le même design peut également être vue dans la Vidéo 1 et la Vidéo 3 - Gauche : Vidéo 1, Droite : Vidéo 3.

La vidéo 4, filmée par un militant local et postée sur Youtube par Aljazeera le 9 avril 2044, dépeint ce qui semble être du personnel militaire russe visitant et entrant dans ce bâtiment. Cet événement semble être corroboré par une déclaration du ministère russe de la Défense (MoD) qui affirmait que "les représentants du Centre de réconciliation russe ont exploré les zones de Douma.... Les résultats de l'inspection ont réfuté tous les rapports d'utilisation d'armes chimiques dans la ville " (archivé).

ATTENTION IMAGES CHOQUANTES !!!

La même porte d'entrée par laquelle le personnel russe est entré peut être vue dans la vidéo 3 et la vidéo 4 - En haut : vidéo 4, en bas : vidéo 3.

La même porte d'entrée par laquelle le personnel russe est entré peut être vue dans la vidéo 3 et la vidéo 4 - En haut : vidéo 4, en bas : vidéo 3.

En analysant la vidéo 4 et la vidéo 5, qui représentent toutes deux des membres du personnel russe entrant dans le même bloc, nous pouvons géolocaliser ce bâtiment au 33.573878, 36.404793. Cet endroit se trouve immédiatement au sud-ouest de la place al-Shuhada, ce qui correspond aux rapports du Réseau syrien pour les droits de l'homme et du CDV.

ATTENTION IMAGES CHOQUANTES !!!

Géolocalisation des vidéos 4 et 5,.

Géolocalisation des vidéos 4 et 5,.

La vidéo 6, postée par la protection civile syrienne (Les Casques blancs, NdT) à 21h06 le 10 avril, prétend montrer une "bombe rempli de gaz chimique.... Même emplacement que la vidéo des victimes".

Prise du haut d'un bâtiment, elle montre un trou dans le toit avec une bouteille de gaz jaune. Le caméraman fait ensuite pivoter la caméra, ce qui permet de géolocaliser la position et de l'identifier comme étant le toit du bâtiment au 33.573878, 36.404793.

Une photo de la vidéo 6 (en bas) comparée à l'imagerie satellite de l'emplacement, démontre que le point de vue provient du toit du bâtiment au 33.573878, 36.404793.

Une photo de la vidéo 6 (en bas) comparée à l'imagerie satellite de l'emplacement, démontre que le point de vue provient du toit du bâtiment au 33.573878, 36.404793.

Un bâtiment spécifique peut également être identifié à la fois dans la vidéo 6 et la vidéo 5.

Un bâtiment spécifique peut également être identifié à la fois dans la vidéo 6 et la vidéo 5.

Nous pouvons donc conclure que les vidéos 1-6 ont toutes été filmées dans la même zone. Toutes les vidéos présentaient le même bâtiment qui contenait le grand nombre de corps montrés dans les vidéos 1-2. La vidéo 6 montre que ce même bâtiment semble avoir été touché par une bouteille de gaz comprimé qui a percé le toit.

Examen des munitions

Après l'attaque, les restes de deux bouteilles de gaz comprimé jaune ont été filmés et photographiés. Comme décrit ci-dessus, une bouteille de gaz a été filmée sur le toit du bâtiment où un grand nombre de décès ont été documentés. Une deuxième bouteille de gaz a également été filmée à un endroit non encore identifié :

ATTENTION IMAGES CHOQUANTES !!!

Les modifications externes sur la bouteille ci-dessus sont particulièrement intéressantes car elles sont cohérentes avec les modifications observées sur d'autres bouteilles de gaz utilisées dans d'autres attaques aériennes au chlore. Des modifications très similaires peuvent être vues dans la vidéo suivante d'août 2017 à Khan al-Assal :

ATTENTION IMAGES CHOQUANTES !!!

Des bouteilles de gaz jaune du même type, avec et sans structures externes, sont documentées sur le site d'attaques aériennes présumées au chlore depuis 2014, et ont été utilisées à de multiples reprises pendant le siège d'Alep :

[Vidéos choquantes] Enquête Open Source sur les allégations d'attaques chimiques à Douma le 7 avril 2018 (Bellingcat)

Images de Human Rights Watch montrant des bouteilles de gaz jaunes utilisées lors d'attaques multiples à Alep fin 2016 (source).

L'attaque la plus récente où des bouteilles de gaz jaune ont été documentées à la suite d'une attaque aérienne au chlore gazeux a été l'attaque au Saraqib du 4 février 2018, où deux bouteilles ont été photographiées après avoir été récupérées sur le site de l'attaque :

[Vidéos choquantes] Enquête Open Source sur les allégations d'attaques chimiques à Douma le 7 avril 2018 (Bellingcat)

Les deux bouteilles de gaz utilisées dans l'attaque à Saraqib. Source SN4HR

L'OIAC a également enquêté sur certaines des attaques où des bouteilles de gaz jaune ont été utilisées dans des attaques aériennes au chlore, confirmant qu'elles ont été larguées d'hélicoptères. Des observateurs aériens faisant partie du réseau Sentry Syrie ont observé deux hélicoptères Hip se dirigeant vers le sud-ouest depuis la base aérienne de Dumayr, au nord-est de Damas, en direction de Douma, 30 minutes avant l'attaque chimique à Douma, et deux hélicoptères Hip ont été observés au-dessus de Douma peu de temps avant l'attaque. Les hélicoptères de transport Hip ont également été liés à des attaques aériennes précédentes au chlore.

En ce qui concerne les allégations d'utilisation de Sarin, il est important de noter que ces bouteilles de gaz jaune ne sont pas associées à l'utilisation de Sarin, et comme le Sarin est un liquide, une bouteille de gaz comprimé semble une méthode de livraison improbable pour le Sarin. Les explications possibles des allégations d'utilisation de sarin peuvent être le résultat de la gravité des symptômes présentés, de l'utilisation d'une munition non documentée ou de l'utilisation d'un autre agent chimique qui présente des symptômes susceptibles d'être confondus avec l'utilisation de sarin.

Conclusion

D'après les preuves disponibles, il est fort probable que les 34+ victimes tuées lors de l'attaque à 19h30 contre l'immeuble près de la place al-Shuhada ont été tuées à la suite du bombardement d'une bouteille de gaz remplie de ce qui est très probablement du chlore gazeux lâché d'un hélicoptère Hip provenant de la base aérienne de Dumayr.

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