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Le couteau à double tranchant de Sassou Nguesso

par Benjamin BILOMBOT BITADYS 27 Août 2015, 17:17 Congo-Brazzaville Dictature Sassou Nguesso Constitution Revision Dette FMI

Le couteau à double tranchant de Sassou Nguesso
Le couteau à double tranchant de Sassou
Par   Benjamin BILOMBOT BITADYS

Dans l’art de brouiller les pistes, Sassou Nguesso est un maître. Dans la manipulation, Sassou Nguesso est un seigneur. L’éclatement de la fratrie des Kolelas, le maintien du second couteau de Kolélas/père ; Bernard Tchibambeléla ; du MCDDI au gouvernement et l’éviction de Guy Brice Pafait Kolelas, l’isolement ainsi que la marginalisation de Mavoungou Zinga Mabio au sein du RDPS et la nommination au poste de ministre des hydrocarbures de Jean Marc Thystère Tchicaya en sont la parfaite illustration. Dans l’art de gagner du temps et de blesser les coeurs, Sassou Nguesso n’a pas d’équivalent. Et, dans la procrastination, Sassou Nguesso est un orfèvre. Au Congo-Brazzaville donc, en matière institutionnelle, le jeu du chat et de la souris se poursuit. Le tyran a du mal à trancher.

Tabou
Le discours de Sassou Nguesso le 12 août 2015 a laissé tout le monde sur sa faim. Le mot « referendum » n’a pas été sorti de la bouche de Sassou Nguesso, à la grande déception des adeptes du changement de la Constitution du 20 janvier 2002 et la satisfaction temporaire des
partisans du « non ».
A travers ce discours, Sassou Nguesso, couteau à double-tranchant, a ainsi tendu aux uns et aux autres la verge pour se faire battre. Comme s’il redoutait de poser son cul sur la pointe d’un canif, l’homme du 5 février 1979 a fait l’impasse sur la question de la modernisation des institutions qui tient l’establishment politique du Congo-Brazzaville en haleine. En matière constitutionnelle, Sassou Nguesso suscite l’attente et le désir. L’attente et le désir des épigones du « chemin d’avenir » qui souhaitaient de la part de Sassou Nguesso l’annonce officielle de la date du referendum, provoquant ainsi la déception et une forme de démobilisation dans les rangs de ceux qui sont prêts de dégainer leur poignard pour le changement de la Constitution.
Alors que l’histoire leur a mis le couteau sous la gorge, dans le camp des jusqu’au-boutistes du changement, l’inquiétude se répand comme un feu de brousse. Le cache-cache de Sassou Nguesso commence à lasser.
Tortue à double carapace, on ne sait pas de quel côté le roublard va sortir la tête. La valse-hésitation de Sassou Nguesso finira-t-elle par convaincre les camarades membres du PCT qui rongeaient leur frein quant à la tentation de quitter le bateau ivre tels les rats ? Va-t-elle accélérer le mouvement de prise de distance et de démission inauguré par Charles Zacharie Bowao, André Okombi Salissa, Benoît Moundélé Ngolo, Serge Blanchard Oba, Gabriel Oba Apounou, Etienne Mokondjimobé et plus récemment Grégoire Lefoba et Gabriel Banaganzala ? Le duel au sabre débuté par le philosophe Bowao est en train de provoquer une hémorragie des cadres du parti.

Impasse
Dans un exercice de gargarisme lexical le 12 Août 2015 devant un parterre de parlementaire toute ouïe, Sassou, après le fiasco du dialogue de Sibiti et le succès du dialogue de Diata/Brazzaville, a aiguisé un message à la nation truffé de contre-vérités sur le plan socioéconomique et poignardé la vérité en passant sous silence la décennie 1980 marquée par la crise de l’endettement et (leur corollaire) les programmes d’ajustement structurels (PAS).
L’intervention au Congo-Brazzaville du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque mondiale (le couteau sur les lèvres), a été la conséquence de la mauvaise gestion des finances publiques par l’administration Sassou Nguesso.

Envolée de la dette
Après que Sassou ait acéré les griffes du vol et de la corruption, c’est sous sa magistrature que le Congo-Brazzaville a connu de graves dérapages des finances publiques ayant conduit à l’adoption des PAS à la fin des années 1980 et postulé à l’éligibilité au statut pays pauvres très endettés (PPTE) sous l’égide du FMI et de la Banque mondiale en 2009. Vers la fin des années 1970, la dette extérieure du Congo s’élevait à 150 milliards de francs Cfa. L’endettement total en 2006 en pourcentage du PIB s’élèvait à 133% soit 9, 2 milliards de dollars ; plaçant la consommation des Congolais sur le fil du rasoir.
Comble du paradoxe, à cette époque, la dette qui était passée de 150 milliards de francs Cfa en 1979,à 1500 milliards, en 1985) a été présentée comme salutaire pour notre économie. Avec leur accent à couper au couteau, la dette fut désignée comme un puissant facteur de développement par les épigones. C’est non sans joie que l’on peut constater la blessure aux doigts des économètres de Sassou. Pensez que ce qui fut considéré, hier, comme un remède, est devenu, à la fin des années 1980, un casse-tête.

Vertige
La dimension de la dette donne le vertige. De 1980 à 1990, le montant de ce que le Congo-Brazzaville devait a été multiplié par deux, alors que pour la même période, ce pays a bénéficié d’une manne financière tirée de l’exploitation pétrolière sans précédent. On en perd son latin.
C’est du chinois.
La négociation des accords liés à l’annulation ou à la réduction de la dette du Congo-Brazzaville vis-à-vis de ses partenaires bilatéraux et multilatéraux faisait partie des Actions du Fonds monétaire international (FMI) qui ont conduit ce pays d’Afrique centrale au point d’achèvement de l’Initiative PPTE (Pays pauvres très endettés). Le Congo-Brazzaville a bénéficié de l’effacement de la part de la France, l’Italie, l’Allemagne et les Etats-Unis d’au moins 90% de sa dette dont l’encours total était estimé à environ 2750 milliards de Francs CFA en 2004 par le FMI. Fort du soutien de la Chine, son nouveau créancier, en dépit du statut PPTE et du silence de Sassou
Nguesso lors du plaidoyer pro domo, la dette du Congo-Brazzaville poursuit son envol.
Alors qu’il est du mauvais côté du manche du couteau, Sassou Nguesso franchira-t-il la ligne rouge selon l’expression d’André Okombi Salissa ? Renoncera-t-il définitivement au projet de changement de la Constitution comme l’y invite le président béninois Yayi Boni ? Qu’il la change ou non, la Constitution va le blesser à tous les coups : le vrai couteau à double-tranchant c’est elle.

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