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En Afrique, Hollande marche désormais sur des oeufs (Mondafrique)

par Philippe Duval 12 Septembre 2015, 15:09 Françafrique Gabon France François Hollande Tchad Dictature Collaboration

Hollande et le dictateur Eyadéma à l'Elysée
Hollande et le dictateur Eyadéma à l'Elysée

"Principes à géométrie variable

On le voit, la défense des droits de l'homme et des principes démocratiques, prônés par Hollande au début de son mandat, n'est plus qu'un vague souvenir. Comme Mitterrand, son prédécesseur socialiste, il s'est converti aux contingences de la realpolitik, et est guidé par la seule défense des intérêts français qui restent nombreux en Afrique..."

Le président français avait démarré son mandat par les interventions militaires au Mali et en Centrafrique et par des déclarations tonitruantes sur le respect de la démocratie. Sur le continent africain, où plus de vingt présidentielles ont lieu d'ici la fin 2016, il a aujourd'hui remballé les grands principes.

Souvenez-vous, le 13 et 14 octobre 2012, lors du sommet de la Francophonie à Kinshasa (République Démocratique du Congo), François Hollande fait la leçon à son hôte, Joseph Kabila, lui reprochant une «situation inacceptable dans ce pays sur les plans des droits, de la démocratie de la reconnaissance de l’opposition». Le président congolais a dû poireauter 42 minutes en s'épongeant le front avant qu'il ne daigne arriver. Quand Kabila monte à la tribune, Hollande, flanqué de Blaise Compaoré, le président burkinabé aujourd'hui déchu, n'applaudit pas et garde les bras ballants. S'ensuit un sketch où on voit le président français rester assis quand la salle se lève pour saluer le Congolais, prendre des notes pour montrer ostensiblement qu'il ne l'écoute pas ou plonger les mains sous la table quand la claque retentit. En élève discipliné, Compaoré tente d'imiter les mouvements de Hollande, mais toujours avec un temps de retard. Du grand guignol. Il s'agit alors pour le nouveau locataire de l'Elysée de signifier que la page de la Françafrique est définitivement tournée, qu'il va user d'un "nouveau ton", même si en l'occasion Hollande, chaussé de ses petites lunettes, ressemble à un instituteur blanc tançant une classe de garnements.

Quand Sassou, Déby, Ouattara piétinent leurs constitutions

Trois ans ont passé depuis cette masterclass congolaise. Denis Sassou Nguesso, 71 ans, devait, selon la constitution de son pays, quitter le pouvoir en 2016, après deux mandats consécutifs. Le général président qui a régné sur le Congo Brazza de 1979 à 1992, avant de revenir au pouvoir par les armes en 1997, totalisera alors 32 ans de magistrature suprême. Mais l'Elysée ne voit rien à y redire.

Au Togo, Faure Gnassingbé, arrivé au pouvoir en 2005 après un coup d’état constitutionnel, a été réélu pour un troisième mandat de cinq ans. Bébé Gnass, son surnom dans son pays, marche sur les traces de son père Eyadema, président pendant trente huit ans. Soit au total, pour la dynastie des Gnassingbé, quarante huit ans de règne ininterrompu.

Au Tchad, Idriss Déby, 62 ans, va lui aussi rempiler en 2016 après 26 ans de pouvoir. Il a su se rendre indispensable au Mali où son armée a prêté main forte à l’armée française contre les islamistes. Et a pris la tête de la guerre que la France mène contre Boko Haram, la secte islamiste dont il annonce "la fin prochaine". L'Elysée va donc fermer les yeux sur les nouvelles entorses constitutionnelles commises par ce président qui a rendu de si grands services à la cause de la lutte anti-terroriste.

En Côte d'Ivoire, Alassane Dramane Ouattara, qui continue d'emprisonner des dirigeants de son opposition et de réprimer violemment les manifestations hostiles, va tenter de rempiler pour un second mandat après avoir pu se présenter en 2010 à titre exceptionnel et être installé par l'intervention de l'armée française. Or, selon l'article 35 de la constitution toujours en vigueur, il ne doit pas s'être prévalu d'une autre nationalité. Dans les années 70 et 80, Ouattara a effectué son service militaire en Haute-Volta (aujourd'hui, le Burkina Faso) et représenté ce pays au sein du FMI. Au lieu de proposer par voie référendaire la réforme de cet article 35 contesté, il a choisi de faire avaliser sa candidature par un conseil constitutionnel totalement à ses ordres. Hollande est muet sur le sujet ivoirien.

Au Cameroun, le président français, qui voyage peu en Afrique, a rendu visite à Paul Biya, le doyen, qui fêtera en novembre ses 43 ans de présidence et n'a pas exprimé l'intention de ne pas briguer un autre mandat. Il aura alors 85 ans. Hollande, jeune conseiller élyséen, avait effectué un séjour camerounais dans les années 80.

Principes à géométrie variable

On le voit, la défense des droits de l'homme et des principes démocratiques, prônés par Hollande au début de son mandat, n'est plus qu'un vague souvenir. Comme Mitterrand, son prédécesseur socialiste, il s'est converti aux contingences de la realpolitik, et est guidé par la seule défense des intérêts français qui restent nombreux en Afrique. Avec le souci, sur un continent où le remède est parfois pire que le mal, de ne pas ouvrir de nouveaux fronts. "La guerre contre le terrorisme" menée au Mali par l'armée française est loin d'être gagnée. La Libye est livrée aux milices islamistes, dont celles de Daesh. Au Burkina, la présidentielle qui livrera le nom du successeur de Compaoré, aujourd'hui en exil chez son "frère" Ouattara, s'annonce explosive comme celle de Côte d'Ivoire. D'où la nécessité d'avancer avec précaution.

Le cas gabonais

Cette politique élyséenne est illustrée par le cas gabonais. Dans ce pays, Ali Bongo, le fils adoptif d'Omar, au pouvoir pendant 41 ans, brigue un nouveau mandat de six ans. Il est contesté par une partie de son opposition en raison de son origine "étrangère" bien que l'adoption lui donne une filiation de plein droit. Et le Gabon subit une forte récession due à l'effondrement des cours de l'or noir. Il y a là tous les ingrédients d'une possible explosion. Il y a quelques mois, l'Elysée avait, dans une note confidentielle publiée par Mondafrique, conditionné son soutien à une nouvelle candidature d'Ali Bongo à l'ouverture de son gouvernement à son opposition et au départ de son très controversé directeur de cabinet et bras droit, Maixent Accrombessi.

Les choses ont pris du temps mais les voeux de Hollande sont en passe d'être exhaussés. Quelques figures de l'opposition gabonaise sont entrées au gouvernement ce vendredi et Accrombessi va prendre la porte de sortie, dès qu'un point de chute lui sera trouvé. Ca tombe bien. Ali Bongo sera reçu ce lundi à Paris par Hollande. Dix minutes de tête à tête et vingt minutes avec l'ensemble de la délégation gabonaise. C'est plutôt service minimum. On est loin des effusions auxquelles se livrait Jacques Chirac avec ses homologues africains.

Manuel Valls sera chargé du service après-vente en effectuant cet automne une visite à Libreville avec une délégation de patrons français. Pour y rétablir des liens de confiance économiques, bien malmenés par Accrombessi, plutôt tourné vers des pays asiatiques comme la Malaisie. Le futur ex dircab est toujours dans le collimateur de la brigade finançière qui enquête sur une affaire de blanchiment. Il aurait touché une rétrocommision, via un homme d'affaire malien, Seydou Kane, dans un contrat passé avec la société française Marck, spécialisée dans la confection d'uniformes militaires. On cite également son nom dans le dossier de l'acquisition par Libreville d'un patrouilleur "La Tapageuse". Accrombessi, qui effectue d'incessants voyages entre la capitale gabonaise et Paris, avait été arrêté le 3 août à Roissy et relâché quelques heures plus tard. Manifestement, Ali Bongo n'avait pas bien compris le message élyséen. Cette fois, il l'a reçu cinq sur cinq.

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