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Pourquoi un Macron's Watch ?

par SLT 22 Juillet 2017, 13:50 Macron's Watch Forclusion Amnésie Françafrique Macron Fillon Sarkozy France Afrique Articles de Sam La Touch

Macron roi Capture d'écran Twitter@SecretNewsInfo  photo d'origine  SOAZIG DE LA MOISSONNIERE  AFP

Macron roi Capture d'écran Twitter@SecretNewsInfo photo d'origine SOAZIG DE LA MOISSONNIERE AFP

Suite aux déclarations successives à connotation raciste du président de la République française, Emmanuel Macron, il est devenu indispensable de suivre les faits et discours d'un homme amené à prendre des décisions militaires sans aucun contre-pouvoir parlementaire tandis que la presse (généraliste ou libre) plutôt que d'informer l'opinion participe souvent à la forclusion des Affaires africaines de la France.

Cette aporie médiatique française sur la politique étrangère de la France en Afrique et ailleurs, est d'abord constitutive du régime de la Vème République imposé par le Général de Gaulle par un "coup d'Etat constitutionnel" en mai 1958 dans le contexte des "évènements d'Algérie". En effet, le Parlement n'ayant plus aucun contrôle sur l'exécutif depuis 1958, il n'y a pas de débat public à l'Assemblée nationale et donc la presse ne peut être au faite d'informations précieuses auxquelles les députés pourraient avoir accès dans une démocratie. Il en va de même pour les citoyens ou les journalistes d'investigation en l'absence d'un Freedom Information Act à la française. L'opacité est de règle et l'impunité est consacrée et instituée au plus haut niveau de l'Etat comme le souhaitait le Général de Gaulle pour avoir les mains libres en Afrique, en Algérie, au Cameroun (1958-1970), au Nigeria (Biafra 1967-1970), au Gabon... Qui plus est la plupart des grands médias français (y compris sur le net : c'est le cas de Mediapart) reçoivent des subventions de l'Etat français jetant un doute sur leur capacité d'indépendance eu égard à la chose militaire, à l'exécutif et aux Affaires étrangères. En France l'héritage de l'Ortf plane encore grandement sur les médias français.
Enfin le complexe capitaliste industriel et financier contrôle quasiment toutes les grandes publications de la presse. Laurent Mauduit, dans son livre "Main basse sur l'information", considère que 10 milliardaires contrôlent l'information en France.

Qu'est-ce que la forclusion ? Il s'agit d'un terme juridique considérant que celui qui n'a pas fait valoir ses droits en justice en temps opportun perd ses droits pour entreprendre une action légale pour les faire valoir.
Par extension, nous pourrions considérer, en terme d'anthropologie socio-culturelle et de psychologie des masses, que ce qui n'est pas entré dans le champs de la conscience d'un individu, d'une population en temps opportun ne pourra plus y faire retour.

Exemple : lorsque sous le général de Gaulle, l'Etat français massacre les populations camerounaises réclamant l'indépendance dans les pays bassa et bamiléké (entre 1958 et 1971), rien ne filtrera de ces crimes dans l'opinion publique française. A l'époque, la presse n'en livrera quasiment aucune information. Plus de trente ans plus tard, lorsque le Premier ministre, François Fillon, sera interrogé sur les faits il déclarera : "c'est de la pure invention".

Face à la forclusion, la stratégie défensive la plus fréquente est celle du déni et de la négation. Comment reconnaître un fait si l'on n'a jamais pu être informé à ce sujet ? La réponse la plus évidente est "cela n'a jamais existé". Ainsi ils ont tendance à projeter leur folie sur ceux qui leur annonce des vérités auquel ils n'ont jamais été en contact. La folie ne peut venir que du lieu de l'autre.
C'est le rôle d'un certain magistère intellectuel et médiatique de forclore une part du réel traumatique pour ne pas être confronté à une opinion publique critique et poursuivre les mêmes crimes dans l'indifférence générale d'un public désinformé. On parlera alors de forclusion active. François Fillon fut Premier ministre du chef de guerre Sarkozy lorsque celui-ci lança de terribles guerres néocoloniales et françafricaines en Côte d'Ivoire et en Libye émaillées de massacres à caractère génocidaire à Duékoué ou contre les populations noires de Libye. De son passage à Matignon, il ne gardera avec son compère Sarkozy quasiment qu'un discours de légitimation racialiste de l'action coloniale et néocoloniale française en déclarant entre autres lors de la campagne présidentielle :  "la colonisation est un partage de culture" tout en refusant toute repentance sur la Françafrique. Quand on n'a pas accès à un semblant ou un ersatz de culpabilité, il n'y a pas de place pour la repentance et le remords. Fillon, a-t-il lui même été soumis à la forclusion (passive) ou bien participe-t-il d'un processus de forclusion active ou bien des deux à la fois ? Est-ce à croire que ce qui a été forclos chez certains hommes politiques est la conception universelle des droits de l'homme ? Ce qui n'a pas été intégré en temps et en heure pour des raisons culturelles et éducatives n'opère pas et ne peut donc advenir ?

Voici ce que déclarait Moukoko Priso, professeur d'université, citoyen camerounais et membre de l'UPC condamné à la prison par contumace, à la fin du reportage de Gaëlle Leroy et Valérie Osouf intitulé "Autopsie d'une indépendance" et traitant des massacres de masse réalisés par De Gaulle (voir la vidéo ci-dessous) au Cameroun dans les années soixante :
"Cela c'est toujours quelque chose qui m'a toujours frappé. Pendant mon séjour en France j'ai eu la chance de côtoyer des gens très informés sur ce qui se passe dans le monde entier, sur ce qui se passe peut-être en Afrique du nord mais sur l'Afrique noire c'est motus. C'est comme si il y avait une chape de plomb. De telle manière qu'il ne s'est rien passé. Alors c'est peut-être qu'il ne s'est rien passé parce qu'il n'y a pas des hommes là-bas. C'est une question que l'on peut se poser. Est-ce parce qu'il n'y a pas des hommes là-bas ? Si c'est une affaire de nègres on ne peut pas en faire une tornade dans un verre d'eau parce que quelques nègres ont été massacrés. C'est quand même quelque chose qui pousse à réfléchir sur le sens de ce que l'on appelle la mission civilisatrice, l'amour de la démocratie, la liberté, les droits de l'homme, etc. C'est les droits de quels hommes en fait ?"

Sur la guerre totale française et la torture systématique au Cameroun sous le général de Gaulle et son supplétif camerounais Ahidjo visualiser le documentaire à partir de 32'00

Gabriel Péries, chercheur, historien militaire et auteur d’une thèse sur la guerre révolutionnaire : De l’action militaire à l’action politique, impulsion, codification et application de la doctrine de "la guerre révolutionnaire" au sein de l’armée française (1944-1960), Université de Paris I) déclare à la fin du reportage ci-dessus :
"Avec le nombre de victimes estimées qui va de plus de 30.000 à 500.000. Parce que l'on a parlé de 500.000 victimes au Cameroun en particulier chez les Bamilékés où on voit encore le système répressif continuer jusque dans les années soixante-dix contre les Bamilékés en particulier. Où on trouve des têtes coupées encore dans les années soixante-dix sur les marchés. Il s'agissait de la vraie guerre mais faire une vraie guerre en Afrique après 1962 et avec ses conséquences sur les populations, etc., on comprend que l'on ne veuille pas beaucoup forcément en parler".

Autre exemple de forclusion supposé, c'est l'attitude du nouveau président français lorsqu'il condamne à Oradour sur Glane, le 10 juin, les massacres des nazis et de leurs supplétifs tandis que le lendemain il reçoit à l'Elysée en grande pompe celui dont les troupes soutenues par l'armée française ont commis des massacres à caractère génocidaire à Duékoué qui n'ont rien à envier à Oradour-sur-Glane. De deux choses l'une où Macron n'a pas engrammé (à savoir n'a pas intégré dans sa mémoire) ou n'a pas été informé en temps et en heure de ces massacres ou il a une conception sélective des droits de l'homme au regard des intérêts financiers du Capital. C'est bien toute la question, car si on peut penser que le commun des mortels n'est pas informé sur ces sujets françafricains en temps et en heure et engramme en lieu et place un mépris et dédain salvateur déversé par un magistère médiatico-racialiste qui contribue à la construction d'un imaginaire et de représentations racialistes et racistes, il est difficile de le croire de la part d'hommes politiques qui occupent les plus hautes responsabilités, que cette réalité a été forclose de leur conscience. A l'époque Macron travaillait chez Rotschild et ces informations n'ont peut-être pas heurtées sa conscience. Elles furent pourtant, contrairement aux exactions françaises au Cameroun dans les années soixantes, en partie diffusées par la presse française. La forclusion touche-t-elle chez Macron la conception universaliste des droits de l'homme qui n'a pas de sens parce qu'elle n'a pas réellement été intégrée ou bien s'agit-il d'une occultation d'un pan entier d'une histoire auquel il n'a pas accès ?

De la mémoire, de l'histoire et de l'oubli ? Dans le processus de forclusion l'info ne passe pas par la case mémoire car elle n'est pas perçue, il n'y a pas d'amnésie mais une absence d'intégration d'une information, d'une histoire, d'une réalité... Il n'y a pas d'Histoire, il n'y a pas d'intégration par le sujet des données de l'expérience collective avec le risque de répétition ad vitam aeternam du trauma, une répétition sans fin. Qui n'a pas conscience, ne peut pas nommer, et répétera ! Ce qui n'a pas été conscientisé en temps et en heure ne le sera plus par la suite et à fortiori si il n'a pas franchi le seuil de la conscience.
On pourra toujours dire que bon nombre d'infos de la vie quotidienne ne sont jamais engrammées mais dans le cadre abordé ici, il s'agit d'informations essentielles qui surdéterminent la politique menée par un groupe sur des individus ainsi que leurs représentations sans que ceux-ci y aient accès. Une forme d'aliénation pourtant déterminante dans l'orientation des choix collectifs et politiques, reposant sur la désinformation de l'individu et sa déresponsabilisation là-bas comme ici. En d'autres termes, les conditions fortement organisées présidant au destin, à la grandeur et à la richesse d'une nation lorsqu'elles reposent sur le pillage, le massacre, l'injustice et la mort doivent être occultés par ceux là même qui en fixent les grandes lignes. De la forclusion de l'Histoire (traumatique) des représentations individuelles et collectives...

Du néocolonialisme là-bas au néolibéralisme ici.

C'est justement parce qu'il y a une vieille tradition coloniale française génocidaire en Afrique : du Cameroun (1956-1971) au Rwanda (1994) sans oublier la Côte d'Ivoire (2011) et la Libye (2011) qu'il convient d'être vigilant aux actions des chefs de guerre choisis par le peuple pour les diriger sans qu'il puisse avoir de contrôle républicain (via notamment le Parlement) sur ses actions. De Gaulle a remis au goût du jour, lors des "évènements d'Algérie" un système par certains aspects quasi monarchique. Reste à savoir qui influence le monarque ? Et cela d'autant plus que le nouveau chef de guerre, Macron, a sanctuarisé encore plus son pouvoir exécutif. Sous le régime de la Vème, il s'est créé une task force sans aucun contrôle parlementaire et gouvernemental se nommant en quelque sorte chef des services secrets. Une dérive dictatoriale sui generis à la constitution de la Vème République, son destin ipséique si l'on ose dire en quelque sorte.

 


Lire également :
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Vème République, état d'urgence, lutte anti-terroriste, renseignements : le nouveau chef de guerre français veut accroître ses pouvoirs exhorbitants sans aucun contrôle

Le Macron's Watch devient donc une évidence pour toute personne attachée à l'universalité des droits de l'homme d'autant que l'homme ne cache pas un certain racisme envers les Africains de par ses propos au plus haut niveau du sommet mondial du G20 ou devant les militaires français. Les premiers propos au G20 ont été étrangement peu repris dans le P.A.F contrairement aux seconds sur les Kwassa-kwassa comoriens. Pourtant ils sont particulièrement graves quand on connaît le passif français en Afrique, bien entendu forclos ou avec un peu plus de chance amnésié.

Mais cela ne concerne pas uniquement les Africains, le nouveau président semble avoir des représentations dichotomiques de la société française entre "ceux qui ne sont rien" et "ceux qui réussissent". Il semble bien évident que dans les représentations binaires, et sans nuance, du nouveau chef de guerre, la majorité des Africains rejoignent la première catégorie.

Daniel Haiphong, journaliste activiste, en fait une remarquable synthèse dans un article intitulé "Emmanuel Macron incarne l'alliance entre le néolibéralisme et la suprématie blanche" publié dans American Herald Tribune. Selon lui, l'ancien banquier d'affaires devenu ministre de l'économie puis président de la République française incarne l'alliance entre le néolibéralisme et la suprématie blanche :

"Les politiciens néolibéraux sont recrutés pour délivrer des idées suprémacistes au service des profits du Capital. Leur mission n'est pas de détruire la suprématie blanche, mais de l'élever. En fait, c'est le consensus néolibéral et néo-conservateur dans les pays impérialistes qui est l'élément moteur des idées de droite... Les commentaires d'Emmanuel Macron doivent ainsi être replacés dans le contexte du mariage entre la suprématie blanche et la politique néolibérale. Son administration impose la guerre, le déplacement et la pauvreté que l'impérialisme français a provoqué dans le monde entier. En même temps, Macron a des plans pour réduire le niveau de vie en France en amendant le droit du travail pour le rendre plus favorable au patronat."

Il est donc évident que le Macron's Watch ne devra pas se contenter d'analyser la politique étrangère menée par le nouveau chef de guerre en Afrique mais qu'elle devra faire aussi le lien avec ses pratiques néolibérales en interne.
Toutefois ce dernier secteur beaucoup plus couvert par les médias français sera moins accentué car il ne subit pas un processus de forclusion active aussi intense de la part du magistère médiatico-politique. L'idée étant quand même de faire des ponts entre impérialisme et néolibéralisme à la française sous l'ère qui s'ouvre avec Macron.
 

Enfin ajoutons que l'homme Macron est connu pour ses difficultés à gérer les règles de bienséance, une certaine impulsivité et une tendance à la transgression autant d'éléments qui nous poussent à mettre en place un Macron's Watch devant le risque de perpétuation des politiques criminogènes de ses prédécesseurs !

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